Si la Commission européenne émet des doutes sur la légalité du plan de sauvetage allemand d'Opel, elle se gardera bien de tout remettre en cause et risquer une désastreuse faillite du constructeur automobile européen, jugeaient lundi les experts du dossier.

«Je ne pense pas qu'au final nous recommencerons tout au début. Car le 1er novembre l'Allemagne peut demander de récupérer son argent et cela pourrait signifier la faillite d'Opel», explique Rudi Kennes, vice-président du comité d'entreprise européen du constructeur.

Pour ce syndicaliste de la Fédération générale du travail de Belgique (FGTB), le tout récent coup de semonce contre Berlin de la Commission se résume à une simple demande de «clarification» faite à l'Allemagne.

Quant à la maison mère américaine General Motors -qui doit en principe signer en milieu de semaine l'accord de reprise d'Opel par l'équipementier canadien Magna-, il n'y a pas de raison qu'elle fasse marche arrière. «GM a suffisamment de problèmes à régler» aux États-Unis, tranche Rudi Kennes.

L'Allemagne a piloté la procédure de rachat de la filiale européenne de GM, en imposant son repreneur favori, Magna, associé à la banque russe Sberbank. Les sites d'Opel en Allemagne emploient en effet 25 000 personnes, soit la moitié des emplois de GM en Europe.

Or six autres pays abritent des sites (Belgique, Royaume-Uni, Espagne, Pologne, Hongrie et Autriche) et l'Allemagne s'est vue reprocher de promettre des aides publiques pour préserver d'abord ses emplois.

Vendredi, la Commission européenne a donc émis un premier avis sur l'opération. Elle a indiqué avoir trouvé des «indices significatifs» que l'aide promise par Berlin n'était pas conforme aux règles européennes de concurrence, car «assujettie» au choix d'un repreneur spécifique (Magna).

Répondant immédiatement à cette critique, Berlin vient d'écrire à GM et à Opel pour spécifier que cette aide serait disponible quel que soit le repreneur. Mais l'histoire n'est pas bouclée, a prévenu lundi Bruxelles, qui attend aussi de recevoir «les détails précis des accords financiers».

La chancelière Angela Merkel de son côté ne voit «aucune raison de remettre en question» la vente prévue à Magna, a précisé lundi son porte-parole.

«Même si General Motors continue de privilégier une vente à Magna, les dirigeants de GM sont prêts à passer à un plan B si la transaction devait être caduque», a affirmé toutefois lundi le Wall Street Journal.

«Tout le processus de vente s'est clairement déroulé de façon étrange. On a ignoré les autres prétendants, comme RHJ International et le chinois BAIC. Sur le principe, cela va contre le droit européen», estime Frank Schwope, analyste automobile de la banque allemande NordLB.

Mais Bruxelles finira selon lui par donner son feu vert: «Bruxelles se rendrait sinon très impopulaire» et «un nouveau retard mettrait Opel en danger», ajoute-t-il.

La presse allemande était peu inquiète lundi. «La Commission européenne a fait son travail. De là à ce que les mots soient suivis d'actes, c'est une autre histoire», juge la Frankfurter Allgemeine Zeitung, en doutant de l'envie du président de la Commission José Manuel Barroso d'initier une bataille avec un grand État.

«Si la Commission avait accepté le deal sans mot dire, on n'aurait plus été en mesure de prendre au sérieux la gardienne de la concurrence en Europe», estime aussi le Financial Times Deutchland. Même s'«il est évident que ce n'est pas le bon sens industriel qui se trouve derrière le plan d'assainissement d'Opel mais la volonté politique de conserver le plus d'emplois possibles en Allemagne».