L'achat d'Opel par Magna a fait passer une marque de voiture sous contrôle canadien. Une première ? Non ! Si le Canada était jusqu'à hier le seul pays du G8 à ne pas avoir sa marque de voiture, l'histoire compte une poignée d'aventures parfois rocambolesques de véhicules canadiens qui n'ont jamais réussi à s'imposer.

Parlez-en à Michel Fafard, de Saint-Norbert, l'un des rares à rouler sur une voiture conçue et fabriquée au Québec. M. Fafard est propriétaire d'une Manic GT - un coupé sport entré dans la légende et signé Jacques About, un Montréalais d'origine française.

« Si elle roule ? Ah bien oui, elle roule ! Je l'ai amenée dans un concours d'élégance, au mois d'août... », dit M. Fafard.

Fabriquée à environ 160 exemplaires à Terrebonne, puis à Granby, entre 1968 et 1971, la Manic GT était équipée de pièces Renault et cherchait à faire concurrence à la Ford Mustang et à la Camaro.

Mais le rêve fut bref et les difficultés financières, nombreuses. En 1971, l'usine de Granby ferme ses portes. « C'est une histoire un peu malheureuse d'une voiture qui n'a pas abouti par manque de moyens, de chance ou de vision «, commente Michel Guégan, un restaurateur de voitures qui estime qu'il ne reste plus que trois ou quatre Manic GT sur les routes du Québec.

La triste histoire de la Manic illustre celle du développement des voitures canadiennes au grand complet. L'autre grande légende nationale à quatre roues est certainement la Bricklin SV-1. Créée par Malcolm Bricklin, un homme d'affaires américain qui a notamment introduit les marques Subaru et Fiat aux États-Unis, la Bricklin était une voiture sport au look d'enfer munie d'un long capot ondulé.

Le bolide avait séduit le gouvernement du Nouveau-Brunswick au milieu des années soixante-dix, qui avait dépensé une petite fortune dans la construction d'une usine à Saint-Jean. Mais le projet s'est terminé par une faillite et moins de 3000 unités ont été fabriquées.

Un premier accident canadien

Une poignée d'autres tentatives ont émergées ici et là au pays. Suzanne Beauvais, conservatrice adjointe au Musée des Sciences et de la Technologie d'Ottawa, prépare une exposition sur les voitures canadiennes qui sera présentée à partir du 24 juin 2010. Elle rappelle que la toute première voiture à avoir roulé en sol canadien était de conception... canadienne.

Fabriquée à Stanstead, dans les Cantons-de l'Est, en 1867, la Henry Seth Taylor portait le nom de son concepteur et fonctionnait à la vapeur. « Elle n'avait pas de frein, dit cependant Mme Beauvais. Un moment donné, M. Taylor a descendu une côte...Ça a été le premier accident automobile au Canada. «

La Russell de Toronto et la Gray-Dort de Chatham, en Ontario, font partie des autres véhicules canadiens qui n'ont jamais percé. Au Québec, Éric LeFrançois, qui signe des chroniques automobiles dans La Presse, recense la Bourassa et la Comet, toutes deux conçues à Montréal au tournant du 20e siècle. La Drednot Motor Truck Company, également de Montréal, a aussi fabriqué une voiture blindée pour le tsar de Russie en 1915.

Comment expliquer l'incapacité du Canada à lancer sa propre marque de voiture ? « La raison principale, c'est qu'on est collé sur Detroit, le berceau de l'automobile américain, répond M. LeFrançois. Les Américains ont tout de suite traversé la frontière pour s'implanter ici. Regardez les filiales canadiennes : Ford est ici depuis plus de 100 ans. «

M. LeFrançois rappelle qu'à défaut de lancer des véhicules, le Canada est devenu un important équipementier automobile. L'exemple de Magna, qui gagné le contrôle d'Opel hier, en est un excellent exemple.

« Qu'est-ce qu'une voiture canadienne ? Une voiture dont le design intérieur et extérieur est conçu au Canada ? Ou une voiture fabriquée au Canada par des Canadiens ? Chacun a son interprétation là-dessus. Ce sont les questions qu'on veut poser aux visiteurs lors de l'exposition «, dit Suzanne Beauvais, du Musée des Sciences et de la Technologie d'Ottawa.