Les nouveaux tarifs que veut imposer la Chine aux produits américains perturberont le marché mondial et forceront les Canadiens à défendre leurs marchés contre une nouvelle concurrence américaine, ont estimé mercredi des producteurs de fèves de soya et de viande.

La Chine a publié mercredi une liste de biens américains, évalués à 50 milliards US, qui pourraient être visés par des tarifs. Ces nouveaux droits sur des produits comme les fèves de soya, le whisky, le boeuf, les produits chimiques industriels et les petits avions seraient une mesure de représailles contre les États-Unis, qui ont précédemment indiqué leur intention d'imposer des tarifs à 106 importations chinoises.

Des tarifs avaient déjà été annoncés lundi pour 128 produits, incluant les fruits, les noix, le porc, le ginseng, le vin, les tuyaux d'acier et les retailles d'aluminium - pour réagir aux tarifs américains évalués à 3 milliards US sur les importations d'acier et d'aluminium.

Selon le directeur général de Soy Canada, Ron Davidson, les tarifs de 25 pour cent sur les biens américains pourraient créer des occasions d'affaires pour les exportateurs canadiens, mais ils pourraient aussi forcer le Canada à défendre ses ventes auprès de 69 autres pays.

«Nous avons ici affaire à une instabilité considérable sur le marché mondial, alors que nous tentons de départager où les fèves de tous les participants vont aller», a-t-il affirmé lors d'un entretien.

M. Davidson a souligné que des exportateurs canadiens comme Richardson International, Cargill et Viterra ne voudraient pas miner leurs relations à long terme avec les marchés mondiaux simplement pour réaliser plus de ventes en Chine.

La Chine est un important importateur et utilise les fèves de soya comme nourriture pour sa production de bétail.

Le Canada a vendu à la Chine, l'an dernier, près de cinq millions de tonnes de fèves de soya, un volume évalué à environ 2,7 milliards.

C'est le plus grand marché d'exportation du pays, mais le Canada reste un petit joueur par rapport aux leaders mondiaux comme le Brésil, les États-Unis et l'Argentine.

Le Brésil a fourni environ la moitié des 100 millions de tonnes de fèves de soya importées par la Chine l'an dernier. Les États-Unis en ont livré environ 33 millions de tonnes.

Marché viable pour la viande

Le groupe représentant les producteurs canadiens de boeuf et de porc dit entrevoir de grandes occasions en Chine et en Asie, mais affirme qu'une baisse des exportations américaines vers la Chine ferait grimper la concurrence en raison de l'apparition de ces exportations sur d'autres marchés.

«Les tarifs modifient certainement un peu le paysage, mais la Chine reste un marché très viable pour les exportations canadiennes», a expliqué Marcus Mattinson, un porte-parole du Conseil des viandes du Canada.

Les exportations de viande rouge canadienne vers la Chine ont grimpé à 835 millions en 2016, alors qu'elles n'étaient que de 334 millions en 2010.

Ce pays représente environ 13 % des exportations canadiennes totales.

Un projet pilote annoncé en décembre qui permettrait à la Chine d'accepter le boeuf et le porc canadiens réfrigérés représente une autre occasion d'affaires pour les producteurs canadiens, a-t-il ajouté.

De plus, le nouvel accord de Partenariat transpacifique pourrait faciliter une pénétration améliorée du marché dans les pays du pourtour du Pacifique.

M. Mattison a expliqué que les producteurs de viande surveillaient la dispute commerciale entre les deux plus grandes économies du monde.

«Mais nous allons continuer à travailler avec le gouvernement et nos partenaires pour nous assurer que la chaîne d'approvisionnement de viande du Canada continue à profiter du commerce international.»

Entre-temps, M. Davidson estime que remplacer les fèves de soya américaines sera difficile et souligne que le Canada n'a pas de tel volume excédentaire, même si la légumineuse est la culture de plein champ qui connaît la plus forte croissance au pays.

Les producteurs américains qui voudront rediriger leurs exportations chinoises vers d'autres pays pourraient vendre plus de fèves de soya au Canada et à d'autres pays, ce qui perturberait les produits canadiens.

Une situation similaire s'est produite en 2014, lorsque les ventes de porc canadien au Canada et au Japon ont été perturbées par les importations européennes après que la Russie eut interdit certaines importations en provenance d'Europe, des États-Unis et du Canada, a rappelé M. Davidson.

«C'est le genre de chose qui se produit lorsqu'un marché est dérangé.»

L'analyste Greg Colman, de la Financière Banque Nationale, a estimé que les tarifs sur les biens américains pourraient faire croître la demande agricole des autres pays.

«L'issue probable pour les agriculteurs canadiens est modérément positive, puisque les tarifs de 25 % augmenteront la compétitivité des fermes dans le reste du monde», a-t-il écrit dans un rapport.