L'embargo russe contre les importations alimentaires provenant des pays de l'Ouest, dont le Canada, force une mobilisation générale des dirigeants de l'industrie porcine afin de limiter l'impact du blocage soudain de l'un de ses principaux marchés d'exportation.

Dans l'immédiat, ce sont « des centaines de containers réfrigérés » remplis de viande de porc en transit sur des navires dans le Pacifique et l'Atlantique dont on doit confirmer l'accueil par les clients-importateurs en Russie.

« On ne sait pas encore si l'embargo touche les cargaisons en route, en plus des prochaines commandes. Nos clients en Russie attendent des indications de leurs autorités à cet effet, probablement au cours des prochaines heures », a expliqué François Guidé, vice-président chez Olymel, l'une des plus grosses entreprises de transformation et d'exportation de viande de porc au Canada.

Bon an, mal an, le Canada exporte en Russie pour près de 400 millions de dollars en viandes de porc et de veau de lait, ainsi qu'en fruits de mer, des crevettes surtout. Et cette année 2014 s'annonçait à un niveau record jusqu'à maintenant, signale-t-on dans l'industrie.

« En attendant d'autres détails de nos clients russes, ça nous oblige à toute une gymnastique avec nos interlocuteurs ailleurs dans le monde et au Canada, au cas où nous devrions rediriger ces cargaisons ou les rapatrier au Canada, selon M. Guidé. Pour une entreprise comme Olymel, où la Russie était le deuxième marché d'exportation, c'est sûr que cet embargo aura un impact financier. »

En contrepartie, l'impact à moyen terme de l'embargo russe sur le niveau d'activité de l'industrie porcine s'annonce encore limité, aux dires de certains dirigeants. Chez Olymel, par exemple, on ne prévoit pas d'impact sur les 2700 salariés dans les 2 grandes usines de Vallée-Jonction, en Beauce, et Red Deer en Alberta.

Chez le consortium Canada Porc International, le directeur général, Jacques Pomerleau, souligne que l'industrie canadienne du porc est « mieux organisée et mieux préparée que jamais auparavant » pour faire face à une telle crise dans l'un de ses principaux marchés d'exportation.

« En Russie, nous en sommes au troisième embargo d'importation de viande de porc en quelques années, pour différents motifs. Et cette fois-ci, avec une meilleure conjoncture dans le marché mondial du porc et la grande réputation du porc canadien, les exportateurs canadiens devraient trouver d'autres débouchés sans trop de difficultés, en Asie notamment. »

Du côté de la Fédération des éleveurs de porc, le président David Boissonneault affirme que cet important secteur agricole au Québec se retrouve le plus directement affecté au Canada par l'embargo russe contre les importations agroalimentaires venues d'Occident.

Néanmoins, il admet que l'impact immédiat de cette crise de commerce international parmi les 3500 éleveurs porcins au Québec est atténué par le net redressement de leur marché depuis un an.

« Après plusieurs années difficiles, nous vivons une belle embellie depuis l'an dernier. Les prix obtenus par porc et la rentabilité sont redevenus bons. Et la baisse du dollar canadien a favorisé les ventes à l'exportation », selon M. Boissonneault.

« Face à l'embargo russe, nous ne sommes pas vraiment alarmés. Mais ça ajoute tout de même de l'incertitude sur les investissements de modernisation à faire chez la plupart des éleveurs porcins pour s'adapter aux prochaines normes du marché et demeurer compétitif. »

Au gouvernement du Québec, le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, Pierre Paradis, s'est dit aussi confiant envers la capacité de l'industrie porcine à s'ajuster aux conséquences de l'embargo russe. Et ce, sans devoir recourir à nouveau à l'aide financière significative du gouvernement, comme ce fut le cas durant les récentes années de déprime économique.

Toutefois, le ministre Paradis déplore que l'impact économique au Canada des disputes de politique internationale avec la Russie soit « aussi concentré dans un secteur comme l'industrie porcine, au lieu d'être mieux partagé dans toute l'économie au Canada ».

« Cette fois-ci, c'est l'industrie porcine et des entreprises comme Olymel qui écopent le plus. La prochaine fois, ça pourrait être l'industrie aéronautique et Bombardier », s'inquiète le ministre Paradis.

Le commerce Canada-Russie en bref

Exportations en Russie (2013) : 1,28 milliard $ (+ 10 % en cinq ans)

Principales catégories en 2013 : 

> Appareils électriques et électroniques : 393 millions $

> Viandes (porc, veau) et produits marins (crevettes) : 386 millions $

> Matériel de transport : 239 millions $

Importations de Russie (2013) : 864 millions $ (- 47 % en cinq ans)

Principales catégories :

> Minéraux et métaux : 279 millions $

> Produits chimiques : 184 millions $

> Produits de plastique : 83 millions $



Source : Statistique Canada