Ann Fornasier, agronome et agroéconomiste à la Fédération des producteurs de bovins du Québec, a répondu aux questions de La Presse Affaires.

Q Qu'est-ce qui explique une telle flambée des prix de la viande de boeuf?

R Les cinq dernières années ont été désastreuses sur le plan de la rentabilité. Avec la hausse du prix du grain, il n'y a pas eu de rentabilité depuis au moins 5 à 10 ans. Il y a donc eu un désintéressement, un abandon de cette production. Les cheptels ont alors beaucoup diminué, ce qui fait augmenter les prix aujourd'hui.

Les grosses sécheresses aux États-Unis font en sorte que les pâturages pour les bêtes sont de plus en plus rares. Les vaches mangent ces pâturages. Les veaux, après six ou sept mois, commencent à manger du grain.

Dans le lait, grâce aux quotas, l'offre est en adéquation avec la demande. Mais avec le boeuf, on est dans le libre marché. Alors, il y a des montagnes russes. Les prix augmentent tous les sept à dix ans, c'est caractéristique de cette production.

La Chine n'arrive plus à suffire à sa propre demande, alors elle importe de plus en plus de boeuf. Les exportations de boeuf vers la Chine ont explosé depuis 18 mois. La demande mondiale accentue la rareté. Étant donné que les pays émergents consomment de plus en plus de protéines animales, on va payer la viande de plus en plus cher.

Q Pourquoi y a-t-il moins de boeuf haché sur le marché?

R Quand ça commence à aller bien dans l'industrie, on constate que les producteurs gardent leurs veaux femelles pour faire accroître leur cheptel. Or, le boeuf haché est surtout fabriqué à partir de vaches [qui commencent à être vieilles pour se reproduire souvent ou qui ne sont plus aptes à donner du lait en quantité suffisante].

Q Les producteurs bovins font-ils des affaires d'or?

R Ils renflouent leurs coffres. Mais leur rentabilité n'est pas tellement plus élevée qu'avant parce que les veaux coûtent plus cher, et le grain pour les nourrir aussi. L'une des conséquences de la hausse des prix, c'est que certains commencent à augmenter leur cheptel.

Q Quel est l'impact des prix sur la consommation de boeuf?

R Ce qu'on remarque, c'est qu'il y a moins de promotions dans les circulaires. Et c'est quand un aliment est en solde qu'il se vend le plus. Il n'y a pas eu d'effet majeur constaté pour le moment. C'est toujours difficile de faire le lien entre le prix et la consommation, mais on observe une décroissance depuis les années 80.