L'entreprise Six Pintes, appartenant à Molson Coors Canada, commencera à vendre les bières de deux microbrasseries canadiennes dans les dépanneurs et épiceries de Montréal, Québec et Gatineau à compter du 26 août.

La décision de Six Pintes, qui utilisera l'imposant réseau de distribution de son propriétaire, ne sera pas sans conséquence sur le marché des microbrasseurs québécois, un segment de marché certes en croissance, mais qui ne constitue toujours qu'une part congrue du marché de la bière.

«On sait qu'il y a un marché pour nos bières au Québec. Les Québécois aiment découvrir de nouveaux produits. La qualité de nos bières deviendra notre meilleur argument de vente», dit Jennifer Davidson, directrice générale de Six Pintes, dans un entretien accordé à La Presse Affaires. Les produits ont été présentés à Couche-Tard, IGA, Provigo et à d'autres chaînes. L'intérêt est là, selon Mme Davidson.

Molson Coors a acheté Creemore Springs, de l'Ontario, en 2006 et Granville Island Brewing Company, de la Colombie-Britannique, en 2009.

De façon fort discrète, Creemore est vendue dans 300 bars et restaurants du Québec depuis 2008. Les estimations de volumes en 2013 s'élèvent à 7000 hectolitres au Québec. Jusqu'à ce jour en 2013, la croissance se chiffre à 27% pour la Creemore Springs Premium Lager. Des résultats préliminaires qui nourrissent l'optimisme de la directrice générale.

La décision de Molson Coors de créer une division indépendante chargée de la commercialisation des bières de microbrasserie survient dans un contexte où les ventes de bières en général stagnent au pays. En 1981, le Canadien moyen buvait 100 litres de bière par année. En 2012, cette quantité était de 80,3 litres. Le marché de la bière souffre de la montée en popularité du vin et des autres boissons alcooliques aromatisées, plus sucrées. En réaction, la brasserie lance des produits novateurs dans l'espoir de ramener les consommateurs, comme les bières de microbrasserie.

Une acquisition au Québec n'est pas exclue

La présence physique de Six Pintes dans la Belle Province sera fort discrète dans un premier temps. Elle se limitera en fait aux frigos des bars et aux tablettes des points de vente au détail. L'effectif local se limitera à une chef de la commercialisation, Sandra Gagnon, et à un ambassadeur de marques en la personne de Michel Boyer.

Mme Gagnon travaillera à même les bureaux de Molson. Elle prévoit ajouter deux ambassadeurs de marque en 2014. «La présence physique de Six Pintes prendra de l'ampleur progressivement dans le temps», assure-t-elle néanmoins.

Aucun scénario n'est exclu pour l'avenir, pas même l'acquisition d'un microbrasseur québécois si l'occasion se présente. «Collaborer avec d'autres brasseurs peut signifier plusieurs choses, comme investir avec eux, mais ce n'est pas le seul scénario possible», précise la directrice générale.

Parmi les microbrasseries d'envergure, seule Les Brasseurs du Nord, rachetée récemment par le Fonds FTQ, reste une entreprise indépendante. McAuslan a été rachetée par Les Brasseurs RJ, appartenant à la famille Jaar, des industriels actifs en Haïti. Unibroue, d'abord acquise par Sleeman, est devenue la propriété du brasseur japonais Sapporo.

Réseau de distribution

Les connaisseurs du marché de la bière à qui nous avons parlé ont tous souligné le formidable avantage pour Six Pintes de profiter du réseau de distribution de Molson. «Selon moi, Six Pintes ne peut pas échouer», dit Philippe Wouters, spécialiste en bière.

«Six Pintes arrive avec une offre intéressante. Elle fait venir des microbrasseries dans un réseau de distribution comptant des milliers de points de vente sans qu'il n'y ait aucun ajout financier puisque les immobilisations sont déjà là», explique celui qui est aussi éditeur du magazine Bières et Plaisirs.

En cas de succès, à qui Six Pintes volera-t-elle des espaces de tablette? «Creemore pourra peut-être voler des clients à Sleeman, Moosehead ou Belle Gueule», pense David Cayer, cofondateur de Brasseurs sans gluten.

Pour M. Wouters, ce seront davantage les bières importées qui ressentiront l'impact. «Le consommateur va considérer la Creemore ou la Granville comme des produits d'importation», dit-il. Molson risque, selon lui, une certaine cannibalisation des ventes de sa gamme de bières Rickard's.

Les brasseurs artisanaux, les Dieu du Ciel!, Trou du Diable, Trois mousquetaires, n'ont toutefois pas à s'inquiéter, soutiennent MM. Cayer et Wouters.