Les producteurs de porcs du Québec demandent 305 millions de dollars en 10 ans pour répondre aux nouvelles exigences en bien-être animal. «On dit que le bien-être animal a un coût et qu'il va falloir l'inclure dans les budgets», indique David Boissonneault, président de la Fédération des producteurs de porcs du Québec (FPPQ).

Remplacer les cages de gestation des truies - omniprésentes au Québec - par du logement en groupe serait possible grâce à cette subvention, qui prévoit 500$ par truie. Augmenter la superficie par porc - qui passera de 7,5 pieds carrés à 8,3 pieds carrés dans de nouvelles normes canadiennes - demandera 100$ par animal. Quant aux quais de chargement, trop stressants pour les porcs, il faudra modifier 80% d'entre eux, pour une facture maximale de 5000$ par endroit.

À la fin du programme, 80% du cheptel porcin actuel serait élevé selon les nouvelles normes de bien-être animal, estime le Centre de développement du porc du Québec (CDPQ).

Le temps presse: Maple Leaf s'est engagée «à faire la transition vers un système de stabulation libre pour les truies avant 2017», tandis que McDonald's veut le faire au plus tard en 2022. Tim Hortons souhaite aussi que ses fournisseurs adoptent «des systèmes d'hébergement moins cruels et plus durables qui peuvent améliorer la qualité de vie des animaux».

Déjà, les cages de gestation sont interdites dans l'Union européenne depuis le 1er janvier. Neuf États américains ont aussi banni les cages, selon l'hebdomadaire La Terre de chez nous.

Nouveau code canadien cet été

Un nouveau Code canadien de pratiques recommandées pour le soin et la manipulation des porcs sera présenté «au milieu de l'été», prévoit Gary Stordy, directeur des relations publiques au Conseil canadien du porc. Ce code prescrira le logement en groupe des truies et une diminution de la densité d'élevage des porcs en engraissement, selon un document du CDPQ obtenu par La Presse.

Les producteurs de porcs du Québec n'y échapperont pas. «Tôt ou tard, que ce soit par une règle gouvernementale ou de marché, on va vers des truies en groupe», constate Danielle Pettigrew, directrice du service de l'assurance de la qualité à la FPPQ.

Une évaluation de l'impact économique des nouvelles exigences en bien-être animal a été réalisée par le CDPQ. Verdict: construire une maternité de 2400 truies coûte plus cher si elles sont gardées en cages plutôt qu'en groupe, avec un système d'alimentation à bat-flanc (5,929 millions comparativement à 5,736 millions).

Trois milliards pour Cultivons l'avenir 2

Mais rénover une porcherie existante pour loger les truies en groupe est beaucoup plus cher que rénover pour les laisser en cage, puisqu'il faut casser du béton et agrandir. Pour une maternité de 250 truies de type naisseur-finisseur, le coût est presque deux fois plus élevé (300 000$ comparativement à 150 000$).

«On estime les investissements à environ 500$ par truie, résume Mme Pettigrew. Je peux vous dire que c'est assommant, surtout dans un contexte où il est difficile de faire face aux marchés mondiaux.»

Une part du budget doit provenir de la politique agricole canadienne Cultivons l'avenir 2, qui prévoit 3 milliards d'investissements à partir du 1er avril.

«On veut explorer avec nos partenaires des façons d'arriver aux objectifs de bien-être animal tout en gardant la compétitivité», fait valoir David Boissonneault, de la Fédération des producteurs de porcs du Québec.

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SUBVENTION DEMANDÉE PAR LES PRODUCTEURS DE PORCS, DE 2013 À 2023

- Fin des cages de gestation pour truies: 124 millions

- Augmentation de la superficie d'élevage: 169 millions

- Quais de chargement moins stressants: 12 millions

- Coût du programme: 305 millions

- Contrepartie des producteurs: 220 millions Source: Évaluation de l'impact économique des exigences de bien-être animal sur les coûts de construction et de rénovation des bâtiments ainsi que sur la rentabilité des élevages porcins au Québec, CDPQ.

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QUE RÉSERVE 2013 AUX PRODUCTEURS?

Après sept années difficiles, il n'est pas sûr que les producteurs de porcs du Québec voient la vie en rose en 2013. Les fortes hausses du prix des céréales - conséquence de la grave sécheresse aux États-Unis l'été dernier - avaient laissé prévoir une liquidation du cheptel porcin chez nos voisins du Sud.

Mauvaise surprise: «Au cours de l'inventaire de décembre, le nombre de truies a augmenté de 14 000 aux États-Unis par rapport à l'année précédente, indique Michel Morin, agroéconomiste au Centre de développement du porc du Québec (CDPQ). Cela met de la pression sur le prix du porc, qui a commencé à baisser.» En ne stimulant pas la demande, la crise économique joue aussi les trouble-fête. Quant à la météo, il est trop tôt pour en tenir compte. «Il ne faut pas devenir pessimiste tout de suite», conseille M. Morin.

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EN VIGUEUR DEPUIS LE 1er EN EUROPE

- Cages individuelles interdites pendant trois des quatre mois de gestation des truies (permises au Québec pendant toute la gestation)

- Augmentation de l'espace disponible pour les truies: 1,64 mètre carré par cochette, 2,25 mètres carrés par truie. (Au Québec, la superficie doit être suffisante pour que toutes les truies puissent se coucher en même temps.)

- Accès permanent au matériel de fouissage de type paille, foin, sciure de bois, etc. (Pas obligatoire au Québec).

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