Les amateurs de petit-déjeuner anglais seront à moitié rassurés: la pénurie mondiale appréhendée de bacon ne se traduira pas par sa disparition des tablettes des supermarchés, mais plutôt par une hausse de prix.

En attendant, la crainte d'une offre insuffisante de bacon attire l'attention sur une nouvelle tempête parfaite qui frappe les éleveurs porcins partout dans le monde.

C'est une association britannique de producteurs porcins qui a sonné l'alarme en annonçant une pénurie de viande porcine en 2013.

Les prix des intrants pour l'alimentation animale, qui représentent entre 60 et 70% des coûts de production des éleveurs porcins, ont explosé. Le cours du boisseau de maïs a bondi d'environ 60% entre juin et août. Or, le prix que les producteurs reçoivent pour leurs animaux a fondu d'au moins 20% depuis le mois d'août.

Cela force plusieurs producteurs, pris à la gorge, à quitter le secteur et liquider leurs troupeaux. Cela génère une offre supplémentaire à un temps de l'année où l'offre est déjà plus forte - les animaux mangent davantage et croissent plus rapidement quand les temps frais de l'automne arrivent - et la demande plus faible.

C'est un cercle vicieux où les bas prix forcent la liquidation des troupeaux, ce qui augmente l'offre à court terme... et fait baisser les prix.

Où est la pénurie de bacon? À moyen terme, la liquidation des troupeaux entraînera une diminution de l'offre globale de porc, qui pourrait ne plus répondre à la demande. D'où la crainte d'une pénurie de viandes porcines, et d'une éventuelle hausse des prix bienvenue pour le producteur, mais moins pour le consommateur.

Une nouvelle tuile

En attendant cette reprise espérée en 2013, la conjoncture n'est qu'une nouvelle tuile qui s'abat sur l'industrie porcine, qui n'a vraiment aucun répit. «Depuis 2005, il n'y a pas vraiment eu de bonnes années dans le porc, observe Daniel-Mercier Gouin, professeur en agroéconomie à l'Université Laval. Cela a fragilisé les producteurs.»

Dans l'ouest du pays, deux importants producteurs insolvables (Big Sky Farms et Puratone) ont récemment demandé la protection des tribunaux face à leurs créanciers. Signe qu'ici comme aux États-Unis, des éleveurs abandonnent.

Le Québec n'y échappe pas. La production québécoise devrait être d'environ 7,2 millions de porcs cette année, comparativement à 7,8 millions en 2008. Le nombre d'exploitants a diminué d'environ 20% depuis 2004, et devrait diminuer encore avec cette nouvelle crise, concède le président de la Fédération des producteurs de porcs du Québec, David Boisonneault.

D'autant plus que plusieurs éleveurs doivent rembourser d'ici le mois de mars les sommes prêtées en vertu d'un programme d'avances de fonds du gouvernement fédéral, instauré en 2008 lors d'une autre flambée des prix des céréales.

L'aide de la Financière

Il reste que la vague de fermetures d'élevages porcins devrait être moins forte au Québec qu'ailleurs, estime David Boissonneault. «Nous avons des outils», note-t-il en mentionnant le soutien de la Financière agricole.

De fait, le programme d'assurance stabilisation des revenus agricoles (ASRA), géré par la Financière, viendra encore une fois à la rescousse des producteurs. Cette assurance, financée aux deux tiers par l'État et au tiers par les agriculteurs, compense les éleveurs quand les prix du marché ne sont pas à la hauteur. L'an dernier, les producteurs porcins avaient touché environ 173 millions de dollars en compensations de l'ASRA.

Cette aide sera encore bienvenue, mais les bénéficiaires finiront par en payer le prix en voyant leurs primes augmenter dans le futur, note M. Boissonneault.

Au moins, avec la pénurie de porc anticipée, «on peut penser que les prix aux producteurs vont se redresser, avance M. Boissonneault. On voit ça d'un bon oeil pour rétablir la santé financière des entreprises.»

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BACON: UN MARCHÉ DIFFICILE

Olymel ne reconstruira pas son usine de fabrication de bacon de Princeville, détruite par un incendie en mai dernier. La filiale de la Coopérative fédérée continuera de toutefois de produire cette viande dans ses usines de Drummondville et Cornwall.

«Avec ces deux usines, nous avons une capacité suffisante pour fournir un marché très décevant depuis quelques années», explique le porte-parole d'Olymel, Richard Vigneault.

Les ventes ont baissé au Canada, notamment en raison de l'arrivée sur le marché de produits américains concurrentiels au chapitre des prix. La baisse de la production porcine a entraîné un manque de disponibilité des flancs de porc, dont on tire le bacon. Et la vigueur continue du dollar canadien nuit à l'exportation.

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