Les consommateurs ont été les perdants d'un pari de l'ancien gouvernement conservateur, qui a cherché à accroître la concurrence en intervenant dans le marché du sans-fil, indique un nouveau rapport publié jeudi.

Les chercheurs de l'Institut économique de Montréal (IEM) croient que le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) peut apprendre de cet échec en évitant de demander une intervention dans le marché de l'Internet à large bande.

Le rapport, intitulé «L'état de la concurrence dans l'industrie canadienne des télécommunications - 2016», explique que la vente aux enchères du spectre sans fil l'an dernier, qui a été suivie de l'acquisition de Wind Mobile par Shaw Communications, a créé une fausse concurrence qui se traduira sans doute par des prix plus élevés - et non le contraire - pour le sans-fil.

John Lawford, du Centre pour la défense de l'intérêt public, juge que l'étude est «mal avisée» et qu'elle est contraire aux multiples voix entendues lors de récentes audiences publiques du CRTC.

Plusieurs fournisseurs de services ont dit au CRTC, le mois dernier, que l'installation d'infrastructures pour l'Internet à large bande dans les communautés isolées comptant peu de résidants était une initiative non viable financièrement et continuerait de l'être dans un avenir rapproché.

Attendre que ces fournisseurs de services agissent de leur propre chef est donc insensé, croit M. Lawford.

Lors des audiences, le président du CRTC avait exprimé sa déception face au peu d'attention accordée à l'accès à Internet et ses coûts pendant la dernière campagne électorale fédérale.

En demandant au gouvernement et à l'industrie des télécommunications de développer une «stratégie nationale pour la bande large», Jean-Pierre Blais a aussi noté que l'annonce du financement de la bande large dans le budget de mars dernier «ne semblait pas lié à une politique claire sur la bande large et son déploiement au Canada».

Mais les chercheurs de l'IEM notent que 96 % des foyers canadiens avaient déjà accès à des vitesses de téléchargement de 5 MO en 2014 et que plus de 75 % sont clients de fournisseurs offrant des services plus rapides encore.

«Dans ce contexte, il est superflu pour le CRTC de tenter de reproduire ce que les joueurs du marché font déjà en imposant de nouvelles réglementations et en taxant les revenus des entreprises de télécommunications afin de financer davantage d'infrastructures pour la bande large», a affirmé M. Masse.

«Bientôt, tous les Canadiens pourront se connecter à l'Internet à des vitesses très rapides, a précisé son coauteur Paul Beaudry. Et ce n'est pas à cause d'une stratégie nationale élaborée par des fonctionnaires à Ottawa, mais bien à cause de la pression de la concurrence sur les entreprises, qui doivent s'adapter à la demande des consommateurs et attirer davantage de clients en offrant un service plus rapide à des prix abordables.»

Les conservateurs de Stephen Harper avaient décrit la vente du spectre comme une façon de créer un quatrième fournisseur national de services sans fil, ce qui, estimaient-ils, allait créer davantage de concurrence et donner un répit à la facture des consommateurs.

Les auteurs de l'étude affirment plutôt que la création de ce quatrième joueur, par l'entremise de l'acquisition de Wind Mobile par Shaw pour 1,6 milliard $ en décembre, fait en sorte que l'entreprise devra investir des centaines de millions de dollars pour mettre à jour ses équipements, et la facture sera sans doute refilée aux consommateurs.

Selon le rapport, «en insistant sur les bienfaits d'un quatrième fournisseur, le précédent gouvernement fédéral allait à l'encontre d'une tendance mondiale au regroupement des entreprises dans le secteur sans fil et a épousé une vision statique de la concurrence».

L'un des coauteurs de l'étude, Martin Masse, voit la proposition d'achat de Manitoba Telecom Services (MTS) par BCE, annoncée cette semaine, comme un bon exemple de la façon dont la concurrence devrait fonctionner.

Malgré la perte d'un important fournisseur de sans-fil dans la province - et les analystes qui prédisent par conséquent de plus hauts tarifs -, M. Masse croit que les Manitobains pourraient bénéficier d'un meilleur service et de prix stables, sinon moins élevés.

M. Masse note que Bell et Telus sont toujours de petits joueurs dans la province dominée par MTS et Rogers, qui profite déjà des prix les plus bas au pays pour les plans incluant 1 GO de données. L'acquisition de MTS par BCE fera en sorte qu'il y aura désormais trois grands joueurs dans la province, plutôt que deux grands et deux petits fournisseurs.

«Je crois que la concurrence augmentera», estime M. Masse.