Budget, chômage, crédit, dette, inflation, investissements font partie de notre vocabulaire quotidien au même titre que pain, automobile, ordinateur ou «bris d'aqueduc».

Comme ces derniers, ils sont le fruit de l'aventure humaine. Toutefois, nous possédons peu de repères pour comprendre l'évolution des premiers.

Jean-Marc Daniel nous en fournit quelques-uns dans son essai didactique 8 leçons d'histoire économique. Après tout, rappelle-t-il d'emblée, la matière expérimentale de l'économiste n'est-elle pas l'histoire?

Ses huit leçons se présentent chacune comme un parcours autour d'une notion qui se transforme au fil du temps: la banqueroute, le fisc, la redistribution, la croissance, la monnaie, les banques, le protectionnisme et sa jumelle, la guerre des monnaies.

Pour alléger certains passages de ses leçons qui exigent un certain effort de compréhension, Daniel les ponctue de quelques touches d'humour dont plusieurs reposent sur l'origine étymologique des concepts expliqués.

Certes, apprendre que le mot fisc dérive du mot latin fiscus, qui signifie panier, n'a rien de drôle. Que dire toutefois de budget, mutation anglophone de la bougette, terme du vieux français angevin pour désigner une bourse!

Il en va aussi de l'expression «avoir son pesant d'or», déformation du besant, monnaie officielle de l'empire byzantin, besant signifiant venu de Byzance.

On aurait tort cependant de réduire cet essai instructif à quelques traits amusants d'érudition lexicographique. Daniel nous fait voyager dans le temps d'une manière que trop peu d'historiens nous ont apprise.

En faisant construire les pyramides, les pharaons ont été les premiers à mettre leur société en faillite, au point où certains ont dû prostituer leurs filles pour payer leurs créanciers.

Trésor public et banque centrale

Il faut attendre le Moyen-Âge toutefois pour que se développe le concept de Trésor public. Jusque-là, la fortune du roi et celle de son royaume étaient la même. C'est pour éviter la banqueroute que les souverains ont créé la dette publique.

Pour payer les créanciers, on levait des impôts qui devaient servir à financer des guerres dont on faisait miroiter le butin, précurseur du rendement sur l'investissement. N'est-il d'ailleurs pas curieux qu'en langage militaire on dise des agresseurs qu'ils investissent une ville ou une citadelle?

La création d'un Trésor public a donné naissance à la banque centrale, prêteuse de dernier ressort pour empêcher l'État ou ses banques de faire faillite et garante de la stabilité de la monnaie.

Celle-ci a toutefois été manipulée au fil des ans pour alléger la dette publique par l'inflation ou pour stimuler le commerce international.

«Avec l'existence d'une banque centrale, un pays endetté en monnaie étrangère peut faire faillite [l'Argentine en 2001, par exemple], mais un État endetté en monnaie nationale ne le doit pas», analyse l'essayiste.

Voilà d'ailleurs toute la difficulté actuelle de la Grèce, qui croule sous sa dette extérieure libellée pourtant dans sa propre monnaie!

En empruntant divers chemins, Daniel cerne le rôle et le poids de l'État dans l'économie, que ce soit par ses lois ou règlements, ses interventions, ou par la part des dépenses publiques dans la production.

Cette part n'a cessé de grandir. Elle était en moyenne de 7% du PIB entre 1881 et 1913, au Canada. Entre 2001 et 2009, elle était passée à 41%.

La proportion canadienne n'a rien d'exceptionnel: elle correspond exactement à celle du G7. Le moins gourmand est le Japon, le plus glouton, la France.

Le statu quo social pourfendu

Les points de vue de l'auteur pourront surprendre quelques lecteurs peu habitués à la pensée économique. Si l'État doit demander plus aux riches qu'aux pauvres, assure-t-il, ce n'est pas pour redistribuer une partie de leur fortune aux pauvres. C'est simplement que les nantis coûtent plus cher à l'État. «Ce sont les riches qui sont les principaux bénéficiaires des services publics de référence comme le maintien de la sécurité publique ou le fonctionnement de l'enseignement supérieur.»

D'obédience libérale affichée et défenseur de l'entrepreneur qui assume le risque de l'avenir, l'auteur pourfend le statu quo social, la relance de la croissance par le crédit plutôt que par l'investissement productif, la spéculation financière que les institutions internationales persistent à associer à de l'investissement et le «privilège exorbitant» du dollar américain par rapport aux autres monnaies.

Et de conclure: «Quel sens cela a de défendre la classe ouvrière quand il n'y en a plus, quel sens donner au mot pauvreté quand naguère elle s'identifiait à la faim et aujourd'hui à l'obésité, quel sens cela encore à demander plus d'État quand celui-ci accapare déjà plus de 50% de la richesse nationale (en France) ou de parler de nationalisme quand les pays modernes ne sont plus que des juxtapositions de communautés ethnicoreligieuses...»

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Jean-Marc Daniel, 8 leçons d'histoire économique, Odile Jacob, 225 pages.