La nouvelle ronde d'assouplissement monétaire lancée par plusieurs banques centrales pour stimuler la croissance par le crédit profite aux emprunteurs et avant tout à ceux qui ont le plus de dettes de qualité à financer. Ce sont, bien sûr, les gouvernements qui disposent d'une bonne note de crédit auprès des agences.

Le Canada et ses provinces font partie de ce groupe sélect et ils ne se gênent pas pour exploiter le filon.

Le Québec est très actif. Non seulement il a déjà terminé son programme d'emprunts pour l'année budgétaire en cours, mais il a déjà recueilli 5,2 milliards pour l'exercice 2015-2016, pour lequel il aura besoin d'emprunter 18,78 milliards.

L'an dernier, Québec était parvenu à préfinancer 5,8 milliards de ses besoins, un montant qu'il est bien placé pour dépasser d'ici au 31 mars. Le sommet de préfinancement a été atteint en 2008-2009 à hauteur de 8,16 milliards.

En janvier, le taux d'intérêt sur les obligations du gouvernement du Canada, échéance 10 ans, est tombé à 1,23% seulement, avant de se redresser quelque peu. Même à hauteur de 1,40% à la fin de la semaine dernière, il demeure sous le taux d'inflation globale de 1,5% mesuré en décembre.

C'est donc dire qu'un détenteur de capitaux est prêt à se priver de rendement réel pendant 10 ans, en échange du privilège de détenir de la dette canadienne.

Et encore peut-il se compter chanceux! S'il choisissait d'acheter de la dette allemande ou japonaise de même échéance, il devrait se contenter d'un rendement de 0,36% ou de 0,40% ces jours-ci.

Le prêteur sur un horizon de 30 ans ne peut espérer guère plus avec un rendement de 2,05% sur les obligations canadiennes. C'est grosso modo la cible d'inflation à moyen et long terme de la Banque du Canada. C'est l'équivalent d'aucun rendement réel pendant trois décennies.

La dette du Canada est recherchée parce qu'elle coûte moins cher à détenir que d'autres de qualité AAA comme celle de l'Allemagne. C'est un peu comme si un riche propriétaire de bijoux magasinait le meilleur rapport qualité/prix pour un coffre-fort afin de les mettre à l'abri de cambrioleurs.

En prime, un étranger qui acquiert de la dette canadienne de moyenne ou longue échéance ces jours-ci peut espérer un gain de change d'ici 10 ou 30 ans, compte tenu de la faiblesse de notre monnaie. Le huard a perdu 20% de sa valeur face au billet vert en deux ans, une plongée vertigineuse sans précédent.

Les gouvernements en profitent pour devancer leurs programmes d'emprunts et surtout pour allonger l'échéance moyenne de leur dette de manière à tirer parti le plus longtemps possible de la valeur de leur dette. (On dit qu'une obligation est chère quand elle rapporte peu aux prêteurs.)

Ainsi le 13 janvier, Québec a émis une tranche de 500 millions d'obligations venant à échéance le 1er septembre 2025. Les prêteurs ont exigé un rendement de 2,72%. Le 2 février, il a répété l'opération et a dû consentir un rendement de 2,28% seulement.

Depuis, les taux obligataires canadiens ont augmenté quelque peu.

Comme ceux du Québec évoluent en parallèle avec une prime (qui peut, elle aussi, augmenter ou baisser selon l'humeur des prêteurs), il est bien possible que le prochain emprunt de cette échéance coûte un peu plus cher.

Dans l'ensemble, toutefois, la faiblesse des taux d'intérêt obligataires, ou la cherté des obligations canadiennes et des provinces, permet aux gouvernements de ralentir l'augmentation du service de la dette. Celui-ci s'élève à 10,6 milliards pour l'exercice en cours tandis que la dette brute (financée par des emprunts) s'élève à 205 milliards.

En allongeant la durée moyenne de l'échéance de ses emprunts, Québec s'assure d'une plus grande stabilité de l'évolution de ses paiements d'intérêts. En mars 2014, la durée était de 11 ans, selon les documents du mini-budget déposé par Québec en décembre.

Présentement, le coût moyen de tous les titres venant à échéance dans 10 ans est d'environ 3% par année. En 2004, c'était plutôt 5%.

Le Québec et les autres provinces bénéficient donc d'un contexte exceptionnellement favorable pour emprunter qui perdure au-delà de toute attente.

Mais pour combien de temps encore?