Uber, le roi du véhicule de tourisme avec chauffeur (VTC) parti en croisade contre les taxis et les législateurs, affiche une insolente réussite, dans le sillage de son provocateur dirigeant, Travis Kalanick.

L'origine de ce concept, qui veut bousculer un business bien établi et cadenassé, ne se trouve pas dans un garage californien mais remonte à un voyage à Paris, un soir d'hiver 2008 quand, avec le cofondateur d'Uber Garett Camp, M. Kalanick ne trouve pas de taxi.

«Il y a deux villes qui sont les pires au monde pour trouver un taxi, Paris et San Francisco», souriait M. Kalanick en 2012 à Chicago, deux ans après le lancement d'Uber.

«L'idée d'appuyer sur un bouton pour trouver un chauffeur était magique», se souvenait-il lors d'un autre événement.

Le concept est simple, des chauffeurs de VTC Uber sont mis en relation avec les utilisateurs par une simple application sur smartphones.

Mais très vite, Travis Kalanick est confronté partout dans le monde à une levée de boucliers de la part des taxis, qui voient en Uber leur mort programmée, comme des législateurs qui multiplient les décisions de justice pour faire barrage à son expansion, plébiscitée par les utilisateurs.

Grèves et manifestations

Les grèves et manifestations se sont multipliées dans plusieurs dizaines de villes.

La France a adopté, sous la pression des taxis, une loi restrictive doublée quelques mois plus tard d'une amende pour le lancement d'UberPop.

En Allemagne, son utilisation a été interdite avant d'être finalement autorisée à nouveau et New Delhi a interdit Uber dans la capitale indienne après qu'une utilisatrice eut accusé son chauffeur de viol.

Partout, les taxis «se sentent menacés par notre service haut de gamme et notre réactivité», confiait M. Kalanick à l'AFP en 2013.

Une crainte alimentée par la réussite d'Uber et les revenus affichés par ses chauffeurs, à faire pâlir les taxis conventionnels. Selon une étude interne, la première du genre, mise en ligne jeudi par Uber, ils engrangent en moyenne 6 dollars de plus par heure que leurs concurrents, professionnels, sur le territoire américain.

À Washington, l'écart est de 4,60 dollars, 10 à San Francisco tandis qu'il s'envole à 15 dollars à New York.

«J'ai été choqué par le nombre de chauffeurs qui avaient déjà un emploi avant de commencer», a commenté Alan Krueger, économiste à l'université de Princeton, qui a participé à l'étude. «Ils n'ont pas rejoint Uber par désespoir, mais parce qu'il offrait une opportunité d'augmenter leurs revenus et mettre du beurre dans les épinards.»

La bonne santé affichée de la jeune entreprise, qui revendiquait en décembre 162 037 chauffeurs actifs sur le sol américain, une présence dans plus de 200 villes dans le monde et une valeur sur les marchés de plus de 40 milliards de dollars, n'a d'égal que les débats, controverses, voire les procès qu'il suscite partout où il pose ses valises.

Dans la plupart des villes, disait Travis Kalanick, «les taxis sont protégés par la loi et les lobbies les préservent de toute concurrence».

Patron en guerre

Une réponse caractéristique du dirigeant d'Uber, qui n'hésite pas à monter au créneau pour prendre la défense, en personne, de son entreprise, avec l'impression de se battre non seulement contre les taxis, mais contre tout un secteur verrouillé et protégé par les législateurs. Quitte à utiliser des formules-chocs et créer des polémiques.

«Nous sommes dans une véritable bataille politique, le candidat c'est Uber et notre adversaire, c'est un connard nommé taxi», assénait Kalanick il y a quelques années.

Celui qui a été désigné comme le 8e PDG le plus sexy par le site internet Business Insider et dont la fortune personnelle a été estimée à quelque 3 milliards de dollars par le magazine Forbes est parti en guerre contre toutes les institutions qui voudraient freiner l'ascension d'Uber et n'hésite pas à tancer ses opposants sur les réseaux sociaux.

Pour gagner sa bataille, il s'est récemment attaché les services d'un cador de la communication, David Plouffe, ancien directeur de campagne de Barack Obama en 2008.

Reste à savoir si Uber ne veut pas aller trop vite: alors qu'il ferraille encore pour faire sa place aux côtés des taxis, son patron s'imagine déjà proposer des prix suffisamment bas pour pouvoir remplacer les voitures des particuliers.