La filière française du jeu vidéo reste dynamique et crée des emplois mais beaucoup de ses talents partent vers le Canada et risquent demain d'aller au Royaume-Uni.

Dans son baromètre annuel publié mercredi, le Syndicat national du jeu vidéo (SNJV) relève que la filière, 250 entreprises, majoritairement des TPE, souffre d'une faiblesse des financements et d'un environnement considéré comme peu attractif face au dispositif d'aides en vigueur au Canada ou à celui prévu dès l'an prochain au Royaume-Uni.

Près de 85% des dirigeants d'entreprise du secteur interrogés se disent «très confiants ou confiants vis-à-vis de l'avenir de leur entreprise». Mais ils sont presque 55% à être «pessimistes ou très pessimistes par rapport au secteur du jeu vidéo en France, le jugeant assez peu attractif», selon le Baromètre annuel du jeu vidéo en France 2014.

«On a une industrie qui est dans un paradoxe, les marchés sont en très forte croissance -- les marchés mobiles, comme celui des consoles -- mais en parallèle on a des sociétés qu'on sent extrêmement fragiles», a expliqué à l'AFP Julien Villedieu, délégué général du SNJV.

«Avec un peu plus de considération politique et avec quelques mesures importantes au niveau économique, fiscal et social, on pourrait doper ce secteur d'activité qui peut représenter un vrai relais de croissance» et est de plus orienté vers l'exportation, insiste-t-il.

Les entreprises interrogées ont déclaré avoir augmenté leurs effectifs de 5% entre 2013 et 2014, soit environ 1,5 équivalent temps plein par entreprise et 56,4% d'entre elles ont dit vouloir augmenter leurs effectifs en 2015.

Au-delà de sept grands studios qui produisent des jeux «AAA», des productions destinées aux consoles de salon, avec des durées et budgets de productions élevées, assimilables aux blockbusters dans le cinéma, le secteur est constitué d'une myriade de petites sociétés dont le chiffre d'affaires moyen était inférieur à 5 millions d'euros en 2013.

Leur production est plutôt orientée vers des titres dématérialisés, commercialisés en mode «free to play» (gratuit avec des options payantes en cours de jeu). Ces jeux visent en priorité les smartphones, tablettes et ordinateurs individuels.

Mais généralement autofinancées, ces entreprises ont du mal à lever des fonds ou à obtenir des prêts bancaires.

Le SNJV espère que la refonte du Crédit d'impôt jeu vidéo pourra entrer en vigueur avant la fin de l'année, avec un effet rétroactif sur l'ensemble de 2014 qui donnerait un petit ballon d'oxygène au secteur. Il attend aussi l'annonce prochaine par le gouvernement d'une avance participative - un fonds de 20 millions d'euros dans une première étape - qui pourrait inciter les banques à participer aux financements.

Mais le Canada reste de loin le pays le plus attractif pour les professionnels du secteur, grâce à des aides et crédits d'impôt, même si ce dernier a été abaissé à 5%. Le pays a ainsi vu 15 000 emplois dans le jeu vidéo créés en 15 ans.

La France a vu sur la même période 10 000 emplois s'évaporer, selon le SNJV, pour un total actuel de 5.000 emplois directs dans la création et l'édition (23 000 emplois dans l'ensemble de la filière).

Le poids lourd du secteur Ubisoft comptait ainsi au début de l'année quelque 3000 collaborateurs au Canada, pour 1500 en France.

Kobojo, une société plus modeste fondée en 2008 en France, vient de son côté d'ouvrir un studio à Dundee en Écosse.

Le Royaume-Uni s'est lui aussi doté d'un crédit d'impôt de 25% pour le secteur du jeu vidéo, qui devrait lui permettre de voir son attractivité exploser dès 2015.

«Il s'agit donc pour la France de rééquilibrer ces écarts de financement, afin d'éviter que le Royaume-Uni, aidé par son nouveau crédit d'impôt ne vienne, dès 2015, éclipser la France sur la scène internationale», souligne le baromètre.

Le SNJV et l'Idate, centre de réflexion sur le numérique, ont interrogé 110 dirigeants d'entreprises du secteur entre début mai et début juillet pour le baromètre annuel du jeu vidéo.