La faiblesse des taux d'intérêt obligataires, à l'origine des déficits des régimes de retraite qui déchirent les Québécois ces jours-ci, desserre l'étau qui étrangle les finances publiques.

Si l'absence de création d'emplois au Québec diminue les rentrées d'impôt sur le revenu des particuliers, les emprunts bon marché ralentissent la croissance du service de la dette de la province qui accapare déjà 11 cents environ par dollar de recettes fiscales.

La semaine dernière, Québec est parvenu à emprunter sans difficulté 500 millions de dollars sur les marchés. Pour cette tranche d'obligations venant à terme dans 10 ans, il a consenti un taux de 2,996%. Le 18 juin, une tranche semblable de la même obligation avait été vendue à un taux de 3,177%. Le 7 mai, le taux consenti avait même été de 3,325%.

Il est compréhensible que l'émission de mai soit un peu plus chère que celle de la semaine dernière puisque l'emprunt durait trois mois de plus.

Un écart de près d'un tiers de point de pourcentage mérite d'autres explications. La principale, c'est la baisse des taux sur les obligations canadiennes d'échéance comparable. Depuis le début de l'année, ils sont en net recul, au point de se négocier à 2,07% sur le marché secondaire ces jours-ci.

Les taux canadiens suivent en cela les taux américains, qui paraissent curieusement influencés eux-mêmes par les taux des Bünde allemands, de 1% à peine ces jours-ci.

Les taux des obligations du Québec évoluent en fonction des taux canadiens, auxquels s'ajoute une prime rattachée au risque particulier de financer la dette du Québec. C'est la plus élevée de toutes les provinces canadiennes lorsqu'on la mesure en proportion de la taille de l'économie ou qu'on la divise par habitant.

La prime du Québec évolue aussi en fonction du risque politique qui, selon la perception des prêteurs, s'est atténué avec l'élection d'un gouvernement libéral majoritaire au printemps.

Cette perception pourrait cependant changer, si les tensions générées par le projet de loi 3 sur les régimes de retraite des fonctionnaires municipaux allaient grandissant au point de créer une crise sociale comme l'avait fait le conflit étudiant au printemps 2012.

Les perceptions du marché avaient alors été assez mauvaises pour que Québec choisisse de suspendre quelque temps son programme d'emprunts.

Si la situation continuait de se détériorer, ce qui est possible si les tensions actuelles font jonction avec celles qui naîtront sûrement des compressions à venir cet automne, alors la prime de risque pourrait augmenter à nouveau.

Le Québec n'est pas le seul à être scruté de la sorte par les prêteurs.

Ainsi, la note de crédit de la dette ontarienne a été placée sous surveillance avec perspective négative à la fois par Standard & Poor's, Fitch Rating et Moody's, compte tenu des difficultés de la province à contenir la croissance de ses dépenses.

L'avertissement de Moody's à l'endroit de l'Ontario est très inquiétant. Une décote doterait la dette ontarienne d'une note de crédit inférieure à celle de toutes les provinces, dont le Québec. Sa note Aa2 a été reconduite avec perspective stable, le mois dernier.

Une décote de la dette ontarienne aurait des conséquences néfastes pour toutes les provinces puisque c'est la plus liquide. Des coûts d'emprunt accrus pour Queen's Park signifieraient sans doute des coûts accrus pour Québec aussi, même si l'écart de prime entre les deux provinces devait se rétrécir quelque peu, comme durant les élections ontariennes.

À la différence de Québec qui s'est engagé dans un programme de rigueur budgétaire, le gouvernement de Kathleen Wynne a choisi d'ouvrir les vannes pour stimuler la croissance.

Le retour à l'équilibre n'est pas prévu avant 2017-2018, ce que maints observateurs financiers jugent jovialiste.