Dans les rafales de chiffres que nous mitrailleront mercredi le ministre des Finances Carlos Leitao et le président du Conseil du trésor Martin Coiteux, il en est quelques-unes qui ne feront pas les manchettes, bien qu'elles soient de première importance.

Il faudra examiner comment s'y prendra le gouvernement libéral de Philippe Couillard pour contenir le gonflement de la dette du Québec, tant en chiffres absolus que par son poids relatif par rapport à la taille de l'économie.

Dans son Plan budgétaire, présenté en février, mais jamais adopté, l'ex-ministre des Finances Nicolas Marceau avait prévu que la dette allait passer de 182,13 milliards à la fin de 2013-2014 à 191,16 milliards au 31 mars 2015. Elle correspondrait alors à 50,5% de la taille de l'économie.

Par la suite, son poids relatif devait progressivement diminuer pour correspondre à 44,4% de la taille de l'économie en 2018-2019. Entre-temps, le fardeau aurait quand même augmenté de 2,63 milliards.

Pour arriver à ramener la dette nette à 44,4% du PIB, bien des obstacles à court terme devront avoir été surmontés.

Par exemple, le budget Marceau misait sur un déficit de 2,5 milliards pour 2013-2014 qui portait la dette à «seulement» 182,13 milliards. On sait que le déficit a dépassé les 3 milliards.

Pour l'exercice en cours, il misait sur un déficit de 1,75 milliard et des emprunts destinés aux immobilisations limités à 5,275 milliards cette année, à 4,49 milliards l'an prochain et à moins de 4 milliards par la suite.

En campagne électorale, les libéraux se sont montrés plus gourmands en la matière. On examinera avec soin dans quelle mesure ils imposent un régime à ce programme, malgré le délabrement avancé de beaucoup de nos écoles, hôpitaux, routes et autres biens collectifs.

Bref, si diminuer le poids relatif de la dette était déjà une corvée, selon le scénario optimiste de M. Marceau, commencer même à l'alléger devient désormais un défi d'envergure.

Même le Fonds monétaire international reconnaît désormais qu'une austérité brutale compromet la croissance, si faiblarde soit-elle. Voilà pourquoi le gouvernement préfère parler de rigueur, en pariant en parallèle sur une relance du dynamisme de l'entreprise privée.

Le pari est louable, mais Québec n'est pas le seul dont l'économie est embourbée.

La croissance de l'Ontario n'est guère plus robuste. Ses finances publiques sont aussi mal en point que celles du Québec. Queen's Park prévoit un déficit de 12,5 milliards cette année et un retour à l'équilibre en 2017-2018, une cible jugée improbable par les prévisionnistes. Sa dette nette s'élève à 289,25 milliards, bien qu'elle soit moins lourde à porter que celle du Québec à 40,3% de son PIB.

Bref, le gouvernement Couillard ne pourra pas faire de miracles, même si le merveilleux monde des affaires lui est plus favorable qu'au précédent gouvernement.

Québec ne veut pas déterrer la hache de guerre pour dénoncer la résurgence d'un déséquilibre fiscal alors qu'Ottawa s'apprête à nager dans les surplus et que les provinces de l'Ouest y pataugent déjà.

Soutenir qu'Ottawa récolte les fruits d'un ménage dans sa cour est un peu court quand, par exemple, il a décidé unilatéralement en 2008 de plafonner la croissance de l'enveloppe de la péréquation sans égards aux aléas subis par les provinces.

Québec pourra en revanche compter sur l'Ontario pour monter au créneau, si les libéraux de Kathleen Wynne sont reportés au pouvoir, le 12 juin.

Si les Ontariens optent pour les conservateurs, la donne sera moins favorable. Il faudra plus de coupes ou risquer la décote parce qu'Ottawa ne bronchera pas sans pressions concertées.

Par bonheur, M. Leitao aura le temps de s'ajuster, s'il est vrai que le budget de mercredi est un budget de transition.

Entre-temps, Québec peut profiter d'un contexte extrêmement favorable pour emprunter à bon prix. En mai, il en a d'ailleurs profité pour émettre 4,5 milliards en obligations de 5, 10 et 30 ans.

Malheureusement, la faiblesse imprévue des taux obligataires alourdit le déficit des régimes de retraite qu'il parraine.

Même le poids de la chance a ses limites...