Analyse. Les retraités vivent de plus en plus longtemps, ce qui complique la restructuration prochaine des régimes de retraite à prestations déterminées (PD) supervisés par Québec.

Il y a quelques jours, l'Institut canadien des actuaires (ICA) a publié une étude qui montre que l'espérance de vie des retraités canadiens à 65 ans a augmenté de plus de 5 ans au cours des 30 dernières années. Si on se doutait bien de la chose, tout comme c'est un secret de polichinelle que les femmes vivent en général plus longtemps que les hommes, on n'avait pas encore mesuré que l'âge moyen de la mortalité était différent selon qu'on ait fait carrière dans le secteur public ou privé.

Selon cette étude, l'espérance de vie d'un retraité du secteur privé qui a 65 ans aujourd'hui est de 86,3 ans, alors que celle d'un retraité du secteur public est de 87,5 ans. On observe un écart analogue chez les femmes: 87,5 ans contre 89,3 ans. Cette nouvelle mesure, si elle devenait la norme pour les évaluations actuarielles des régimes de retraite, aura des conséquences sur la restructuration des régimes de retraite PD des municipalités dont les paramètres sont fixés dans le projet de loi 79 déposé par la ministre Agnès Maltais, jeudi.

Ce projet de loi rend obligatoire la restructuration d'un régime si sa capitalisation est inférieure à 85%. La capitalisation sert à mesurer la capacité d'un régime à faire face à ses engagements envers ses participants dans l'hypothèse de sa continuité. À l'inverse, la solvabilité d'un régime mesure sa capacité en cas de terminaison, par exemple quand son promoteur déclare faillite.

Plus l'espérance de vie est élevée, plus on augmente le risque de longévité d'un régime et la valeur de ses engagements envers les participants. Dit autrement, ses besoins de capitalisation. «L'utilisation des nouvelles tables canadiennes et des échelles de projection des améliorations entraînera généralement des augmentations aux engagements actuariels de retraite et aux résultats comptables», peut-on lire dans un récent bulletin de la firme Aon Hewitt.

Un régime municipal capitalisé tout juste à 85% en prenant la table de mortalité en vigueur pourrait passer sous ce seuil, dès lors que sera adoptée une table distincte pour les régimes du secteur public, ce qui forcerait sa restructuration. Selon la formulation actuelle du projet de loi 79, la majorité des régimes municipaux devraient être restructurés.

Outre le taux de capitalisation de 85% que beaucoup n'atteignent toujours pas, le projet de loi force la restructuration de tous les régimes qui subventionnent une retraite avant l'âge de 55 ans. C'est le cas des régimes des pompiers et des policiers.

Le projet de loi 79 mourra au feuilleton, compte tenu des élections prochaines. Il sera représenté dans une mouture plus ou moins amendée par le prochain gouvernement, quel que soit sa couleur ou son statut à l'Assemblée nationale.

La nécessité de restructurer les régimes PD municipaux fait consensus. Rédigé dans la hâte, le projet comporte toutefois un lourd déficit intergénérationnel. Il fait porter le poids de régler les déficits passés sur les seules épaules des participants actifs, sauf si moins de 30% des retraités ne s'opposent pas à en porter une partie en renonçant, par exemple, à l'indexation de leur rente durant la période de renflouement. Cela aurait un effet pervers: des participants pourraient se prévaloir d'une retraite anticipée pour éviter les cotisations supplémentaires et profiter d'une retraite garantie à vie, comme le faisait d'ailleurs valoir Aon dans son analyse du projet de loi.

La réforme des régimes PD du secteur privé fait, quant à elle, toujours l'objet de discussions au sein du Conseil consultatif du travail, auquel participent les lobbys patronaux, les centrales syndicales, la FADOQ et Force Jeunesse. Plutôt que de restructuration, les échanges portent sur les règles de financement des régimes. En particulier, que faire des sommes versées en cotisations patronales d'équilibre en cas de terminaison d'un régime en situation de surplus?

Les modalités de restructuration viendront après. On vise toutefois le même échéancier que pour les régimes municipaux, soit fin 2015. La nouvelle table de mortalité représente ici un enjeu moins important.