Plus d'une semaine après la présentation de sa mise à jour budgétaire qui montrait une nette détérioration de ses résultats budgétaires, Québec n'a pas encore repris son programme d'emprunts.

Pourtant, beaucoup de capitaux s'étaient libérés la semaine dernière avec l'échéance des coupons du 1er décembre, un des deux grands rendez-vous annuels des versements d'intérêts sur les emprunts.

En outre, il y avait demande pour la dette québécoise à moyen et à long terme sur le marché secondaire, la semaine dernière. En font foi les écarts de rendement entre les obligations du Canada et celles de sa société distincte qui se sont comblés légèrement.

Selon une rumeur toutefois, certains investisseurs se demandent si une des trois agences de notation de crédit serait tentée de placer la dette du Québec sous surveillance.

De plus en plus d'observateurs considèrent désormais que la province est aux prises avec un déficit structurel plutôt qu'avec un simple manque à gagner dû aux effets de la récession, comme c'est le cas pour le déficit fédéral.

Tant Standard & Poor's que Moody's et DBRS attribuent présentement une perspective stable à la note de crédit du Québec.

Selon d'autres bruits sur le marché, Québec préférerait laisser passer l'émission imminente de 5 milliards pour financer la construction de nouvelles centrales hydroélectriques au Labrador, pour laquelle Moody's a attribué la note Aaa, la semaine dernière. La note de crédit attribuée à la dette du Québec est Aa2, soit deux crans plus faibles.

La province avait pris beaucoup d'avance dans son programme d'emprunts cette année. Avant la présentation de la mise à jour budgétaire, il lui restait à peine 700 millions à trouver. Cela la plaçait en bonne situation dans le temps pour devancer ses emprunts du prochain exercice. Six provinces avaient davantage à financer.

C'est désormais 3,75 milliards qu'elle doit emprunter d'ici le 31 mars. Seuls les besoins de l'Ontario sont plus élevés que les siens. L'Ontario est cependant très actif. Il a levé encore 1,2 milliard la semaine dernière. Il lui en reste huit à emprunter.

Malgré tout, les besoins financiers de Québec demeurent modestes cette année, à hauteur de 15,5 milliards. En 2014-2015, ils s'élèveront à 19,6 milliards, si le déficit est bel et bien contenu à 1,75 milliard, ce qui semble une grosse commande.

Québec table prudemment sur une croissance économique de 2,1% exprimée en dollars courants (le PIB nominal). Il s'agit de la variation la plus faible depuis 2009, année de récession. Même si la production réelle avait décru de 0,6% cette année-là, le PIB nominal avait augmenté de 0,6%, alors qu'il avait chuté de 4,8% au Canada.

En fait, la croissance moyenne du PIB nominal a été plus élevée au Québec qu'au Canada dans son ensemble, de 2008 à 2012.

C'est dire à quel point son défi budgétaire était théoriquement moins grand.

La situation s'est inversée cette année. Comme les finances publiques sont plus précaires, malgré un contrôle rigoureux des dépenses, la difficulté est ailleurs.

En principe, une variation d'un point de pourcentage du PIB nominal aura un impact d'environ un demi-milliard sur les recettes fiscales. Comme la projection de croissance du PIB nominal a été ramenée de 3,6% à 2,1%, le manque à gagner aurait dû être de 750 millions environ.

Or, la mise à jour budgétaire montre que les seules recettes de l'impôt sur les revenus des sociétés seront en baisse de 741 millions, soit presque autant que le manque à gagner de 885 millions sur l'impôt sur le revenu des particuliers. Pourtant, l'assiette de ces derniers est plus de quatre fois supérieure à celle de la première.

Quant à la taxe sur les biens et services, elle devrait rapporter un demi-milliard de moins. Le Québec est la province où le poids de la taxe de vente dans les recettes fiscales est le plus élevé.

La situation eût été pire sans l'augmentation imprévue des transferts fédéraux, qui seront plafonnés dans trois ans.

Récemment, l'économiste Pierre Fortin a bien résumé les défis budgétaires de Québec. Laissons-lui le mot de la fin: «Il y aura des hauts et des bas, mais on devrait rester avec une croissance réelle moyenne entre 1% et 1,5% par année d'ici 2020, à moins que la productivité ne s'enflamme soudainement ou qu'on trouve deux milliards de barils de pétrole sous le Château Frontenac!»