Un peu partout dans les économies avancées, l'inflation ralentit depuis quelques mois, au point où quelques Cassandre voient déjà se profiler le spectre de la déflation.

Une baisse généralisée des prix à la consommation serait le pire des fléaux, alors que les économies se remettent avec peine de la crise financière de 2008-2009 et de la grave récession qu'elle a engendrée.

La déflation diminue la consommation et augmente le poids de l'endettement, alors que les ménages sont un des deux moteurs de la reprise et que l'endettement représente le sable dans leur engrenage, dans la plupart des pays.

Au Canada, la progression annuelle de l'Indice des prix à la consommation était de 1,1% en septembre, aux États-Unis, de 1,2%, seulement. Des deux côtés de la frontière, on s'attend à ce qu'on nous annonce cette semaine que la marche des prix a encore ralenti en octobre, puisque les prix de l'essence ont beaucoup reculé des deux côtés de la frontière.

La cible des banquiers centraux est de 2%, alors qu'un rythme de 1% représente un signal d'alarme que la déflation approche.

Le mois dernier dans l'Union européenne, le taux annuel d'inflation a été de 0,9% seulement, celui de la zone euro, d'à peine 0,7%.

Le cas du Royaume-Uni est particulièrement curieux. Au pays de Sa Gracieuse Majesté Élisabeth II, on s'inquiétait de la rechute en récession, alors que l'inflation dépassait 3% pas plus tard que l'an dernier. La vénérable Banque d'Angleterre ne savait plus sur quel pied danser. Fallait-il augmenter les taux pour freiner l'inflation et aggraver la récession ou imprimer de l'argent pour stimuler la croissance? Elle a opté pour la seconde voie.

Aujourd'hui, la situation s'est inversée. Son gouverneur Mark Carney affirme que la reprise a finalement pris racine, alors que l'inflation décélère rapidement. Son rythme n'était plus que de 2,2%, le mois dernier. Faut-il imprimer davantage de livres sterling pour ne pas compromettre cette reprise par une déflation?

Quand la marche des prix ralentit partout, cela reflète surtout que beaucoup de capacités industrielles restent inutilisées, ce qui freine l'augmentation des salaires et l'inflation, selon la théorie classique. C'est aussi ce qu'a soutenu la semaine dernière la prochaine présidente de la Réserve fédérale américaine (Fed), Janet Yellen, lors de son témoignage au Congrès.

Du coup, les spéculateurs qui avaient parié sur un ralentissement prochain de la planche à billets, qui crée ex nihilo 85 milliards US par mois, doivent se raviser, pour le plus grand bonheur des marchés boursiers. Plusieurs parient même que la première hausse du taux directeur ne sera pas avant 2016 plutôt que 2015!

Il est vrai que les salaires augmentent peu. Si cela reflète un excédent de capacités, on doit s'étonner des gains appréciables de la plupart des indices bousiers occidentaux cette année et des sommets de la moyenne Dow Jones et de l'indice S&P 500.

La forte augmentation de la masse d'argent en circulation orchestrée par les banques centrales devrait en principe stimuler les prix, pas seulement la croissance.

Et c'est ce qui se produit. Ce n'est toutefois pas dans les biens et services de consommation qu'il faut la chercher, mais dans la valeur des actifs financiers et immobiliers.

Mme Yellen a voulu dégonfler les craintes grandissantes de la création de bulles. Elle se dit convaincue que les avantages d'activer la planche à billets l'emportent sur ses inconvénients.

Reste que personne ne sait ce qui peut arriver lorsqu'il faudra bien la ralentir un jour.

La frénésie s'était emparée des marchés obligataires, le printemps dernier, quand la Fed avait seulement évoqué la possibilité de la ralentir en fin d'année. Les taux obligataires étaient montés rapidement, tandis que les capitaux fuyaient les économies émergentes.

La Fed a été étonnée par la réaction des prêteurs au point de choisir sa politique expansionniste. Plus elle tarde à la ralentir, plus il y a d'argent en circulation et plus le risque de bulle augmente.

Que se passera-t-il quand elle devra se décider pour de bon?