Apple, Samsung, Google, Microsoft, Sony, LG, Qualcomm... Tous les grands noms de l'électronique s'y mettent. L'électronique vestimentaire, qui consiste à concevoir des appareils que l'on peut «porter» comme des vêtements, est perçue comme le prochain grand chantier de la technologie.

Vers l'homme bionique



La technologie n'aura jamais été aussi près de nous avec «l'électronique vestimentaire».

Une étude publiée il y a quelques jours à peine par la firme Juniper Research prévoit que les revenus provenant de la vente de wearable smart devices, des appareils comme des lunettes ou des montres intelligentes, passeront de 1,4 milliard de dollars, cette année, à plus de 19 milliards dans cinq ans.

Selon la firme, «l'attention accrue des consommateurs» envers ce segment de marché explique cette croissance anticipée.

C'est que les premiers modèles d'équipements électroniques vestimentaires, commercialisés ou à l'étape du prototype, font miroiter la possibilité de se transformer en sorte d'homme bionique. Ou, du moins, d'homme très branché, en tout temps et en tous lieux, de façon pratique.

Toujours connectés

«Les téléphones intelligents ont ouvert la porte à un monde où nous sommes toujours connectés», analyse Joanna Berzowska, professeure et directrice du département de design et arts numériques de l'Université Concordia et fondatrice de XS Labs, studio de recherche consacré aux vêtements électroniques.

«Je ne parle pas juste d'avoir accès à ses courriels, mais d'être vraiment connectés ensemble. On a développé ce besoin de se connaître les uns les autres. C'est cette convergence entre les médias sociaux et l'informatique de poche qui a ouvert la porte à l'électronique vestimentaire.»

Pour l'heure, ce sont surtout les montres intelligentes, les bracelets pour l'entraînement physique et les lunettes qui retiennent l'attention.

Un sondage dévoilé cette semaine par la firme Gfk a indiqué que de 18 à 50% de la population interrogée, au Royaume-Uni, connaissait l'existence de l'un ou l'autre des principaux produits de ces catégories: Google Glass, Samsung Galaxy Gear, Pebble, Nike Fuelband, Fitbit, etc.

Sans surprise, le niveau de connaissances était plus fort chez les hommes âgés de moins de 45 ans.

En contrepartie, à peine 6% des personnes interrogées ont dit posséder un tel produit. Le prix est perçu comme un élément dissuasif important. Dans l'étude de Gfk, les intentions d'achat d'une montre intelligente baissaient de moitié (de 24 à 12%) quand les répondants découvraient le prix.

De la montre aux lunettes

L'un des catalyseurs de la progression récente du marché de l'électronique vestimentaire a été le succès de la montre intelligente Pebble.

Créée par une petite entreprise américaine en démarrage, la Pebble a fait l'objet, en avril 2012, d'une campagne de financement participatif sur le site KickStarter. Son objectif d'amasser 100 000$ par l'entremise de commandes anticipées pour son produit toujours en développement a été atteint en à peine deux heures.

Au terme de la campagne, un mois plus tard, Pebble avait amassé 10,2 millions de dollars, plus de 100 fois son objectif. L'entreprise a vendu 190 000 unités jusqu'à présent, à 150$US pièce.

Cet engouement a rapidement incité d'autres entreprises à faire le saut. Les géants Samsung et Sony ont commercialisé leur propre montre intelligente cet automne.

Le géant sud-coréen Samsung, quant à lui, a lancé sa montre Galaxy Gear il y a quelques semaines, comme Sony et sa SmartWatch 2. Google, Microsoft et LG, entre autres, ont l'intention de les imiter prochainement.

Google a aussi suscité la curiosité partout dans le monde avec les lunettes Google Glass. Activées par la voix, celles-ci surimposent directement dans le champ de vision de leur utilisateur des renseignements pertinents. Elles permettent aussi de prendre des photos ou des vidéos.

Ces lunettes sont entre les mains de quelques milliers de testeurs aux États-Unis. Leur commercialisation est prévue pour 2014.

Les Québécois dans la course

On trouve à Montréal quelques entreprises qui ont fait de l'électronique vestimentaire leur créneau. La métropole serait même plutôt bien placée pour exploiter certains créneaux.

Neptune Computer

Si tout se passe comme prévu, les jeunes fondateurs de Neptune Computer lanceront en décembre ou en janvier la Pine, la première montre intelligente québécoise.

Celle-ci aura comme particularité d'être autonome. Contrairement à ses rivales, elle sera capable de se brancher elle-même aux réseaux cellulaires et offrira par conséquent toute sa gamme de fonctionnalités, dont les appels ou la navigation internet, sans dépendance à un téléphone intelligent.

C'est d'ailleurs, selon un sondage dévoilé cette semaine par la firme Gfk au Royaume-Uni, une caractéristique qui enchante les consommateurs.

Quand Simon Tian a fondé Neptune, en 2012, il voulait d'abord et avant tout se lancer dans l'électronique vestimentaire. «Des lunettes, une montre, des souliers, n'importe quoi», dit-il. Il a choisi les montres puisqu'elles devenaient rapidement de plus en plus populaires.

Il voit l'électronique vestimentaire comme la prochaine étape logique du développement de l'informatique. «Au début, les ordinateurs prenaient une pièce entière. Ils se sont rapprochés de nous au fur et à mesure.»

Neptune s'apprête à lancer une campagne de financement participatif.

Carré Technologies

Carré Technologies - tout comme OM Signal - travaille à la conception d'un chandail capable de prendre des mesures biométriques comme le rythme cardiaque ou la respiration.

Carré, dont les chandails Hexoskin sont déjà utilisés par l'Agence spatiale canadienne, a récemment mené une campagne de financement participatif sur le site Indiegogo. Elle y a récolté environ 165 000$, plus que les 100 000$ espérés.

«Au-delà de l'argent, ça nous a amené beaucoup de visibilité», se réjouit Yvan Ouellet, vice-président au développement des affaires. «On a vendu dans 22 pays et des gens d'un peu partout essaient de nous joindre pour devenir distributeurs.»

OM Signal

Pour sa part, OM Signal prévoit lancer la production de masse de son chandail l'an prochain.

La professeure Joanna Berzowska, de l'Université Concordia, agit aussi comme directrice, textiles intelligents pour OM Signal. Elle croit au potentiel de Montréal dans ce domaine.

«Nos deux cofondateurs ont déjà travaillé en Californie, mais ils sont revenus ici pour ça. La ville a un historique de fabrication de vêtements. Beaucoup de ces usines ont fermé, mais il y a encore des infrastructures et on peut travailler avec des experts du textile. Il y a aussi beaucoup de recherche ici dans ce domaine.»

De nombreux projets d'électronique vestimentaire sont passés par les sites de financement participatif comme Indiegogo ou Kickstarter.

Ce n'est pas le cas d'OM Signal, qui a déjà fait l'objet d'une ronde de financement de 1,2 million de dollars provenant majoritairement d'investisseurs québécois. Mais ces plateformes ont fait beaucoup pour ce domaine, reconnaît Mme Berzowska.

«C'est une façon pour les gens d'appuyer le développement de technologies qu'ils aiment. Plusieurs projets qui sont passés par là n'auraient pas pu être soutenus par de grandes entreprises.»

Photo Neptune

La montre intelligente Pine, de la compagnie québécoise Neptune. 

Quelques exemples...

Voici quelques appareils électroniques vestimentaires déjà disponibles ou sur le point de l'être.

Nike+ FuelBand

Ce bracelet stylisé jauge votre niveau d'activité physique en fonction des déplacements de votre poignet et le convertit en points. Il est présenté comme un élément de motivation pour faire plus d'exercice physique.

ION Glasses

Les auteurs de ce projet actuellement en phase de financement sur Indiegogo assurent qu'ils livreront leurs premiers modèles en février prochain. Contrairement aux lunettes Google Glass, celles-ci ont des verres qui peuvent être de prescription ou fumés. Un discret témoin lumineux situé à l'intérieur de la monture vous transmet des notifications. Vous déterminez la couleur du témoin en fonction du type d'alerte: appel, courriel, message texte, rendez-vous, etc. Des boutons permettent aussi de transmettre des commandes simples à son téléphone ou sa tablette.

Pebble

Son succès sur Kickstarter a inspiré les géants. Elle n'est plus seulement disponible sur l'internet mais aussi dans de grands magasins canadiens. Mais pas au Québec, puisqu'elle est unilingue anglaise. Compatible avec les téléphones intelligents iPhone ou Android, elle sert essentiellement à afficher des alertes.

Galaxy Gear

Créée par le géant Samsung et lancée récemment, la Galaxy Gear pousse la note un peu plus loin que la Pebble en intégrant une caméra, un haut-parleur, un micro et un écran tactile. La durée de vie de la batterie en prend toutefois un coup et elle a été mal accueillie par la critique. Compatible uniquement avec certains appareils Samsung.

Sony SmartWatch 2

Comme son nom l'indique, il s'agit du deuxième effort de Sony. Le premier modèle, lancé en 2012, n'a tellement pas été populaire qu'il n'a même pas valu à Sony la reconnaissance d'un certain leadership parmi les géants de l'électronique. Le deuxième modèle vient d'être lancé.

GlassUp

Messages textes, courriels, tweets, statuts Facebook: ces lunettes promettent de tout afficher dans un coin de votre champ de vision. Aucune interaction possible, il faudra pour cela utiliser votre téléphone intelligent. Là aussi, on vise le mois de février prochain.

Google Glass

Un petit dispositif affiche dans le coin de votre champ de vision des renseignements comme la météo, les courriels, votre agenda du jour, etc. Une caméra permet de prendre des photos et des vidéos. Le système est contrôlé par la voix ou un petit pavé tactile placé sur l'une des branches. À l'essai aux États-Unis, les Google Glass devraient être commercialisées en 2014.

Hexoskin

Des capteurs insérés dans le chandail permettent de mesurer en temps réel la respiration, les battements cardiaques (rythme et électrocardiogramme) et les mouvements du corps. Du coup, on peut aussi s'en servir pour déterminer l'état émotif ou le niveau de stress. Offert en précommande, l'Hexoskin devrait être livré au début de 2014.

Bracelet d'exercice

Le FitBit Force semble vouloir se détacher du lot de plus en plus grand des bracelets consacrés à la condition physique. Il compte vos pas, la distance parcourue, les marches grimpées, les calories brûlées et suit la qualité et la quantité de votre sommeil. Il affiche aussi l'heure et, bientôt, des notifications provenant de votre téléphone intelligent. Déjà sur le marché.

Montre intelligente

La montre intelligente Pine, de la société québécoise Neptune, fait tout sans téléphone intelligent: appels, navigation sur l'internet, courriels, messages textes, appareil photo, GPS, podomètre, boussole, moniteur de fréquences cardiaques, etc. Offerte en précommande, elle devrait être livrée en décembre ou en janvier.

Souliers

Des chercheurs de l'Université de Toronto ont participé à la mise au point du prototype ShoeSense. Un capteur Kinect apposé au soulier et orienté vers le haut permet d'interpréter des gestes faits avec les mains et de les transformer en commandes pour son téléphone intelligent. Google a aussi présenté en mars une idée de soulier parlant. Ni l'un ni l'autre de ces projets n'ont pour l'instant de visée commerciale.

Photo Nike

Le bracelet Nike FuelBand SE.