S'il est un endroit où Québec ne peut se permettre de dérapage, c'est bien celui de la gestion de sa dette.

La dette brute de la province, c'est-à-dire celle qui est empruntée sur les marchés financiers, représente 53,3% de la valeur des biens et services que nous produirons cette année, son produit intérieur brut nominal.

Aucune autre province ni le gouvernement fédéral ne portent un fardeau aussi élevé.

À lui seul, le paiement des intérêts sur cette dette représente 11,3% de l'ensemble des dépenses du gouvernement. Et le service de la dette est techniquement incompressible.

Lors de la mise à jour budgétaire d'avril, Québec comptait pourtant réaliser des économies de 85 millions à ce poste, par rapport à sa projection présentée en novembre.

Cette situation était fondée sur des hypothèses de coûts de financement qui se révèlent supérieures aux exigences des prêteurs.

Les taux d'intérêt obligataires sont restés à des niveaux historiquement faibles jusqu'à la fin de mai. Depuis, ils remontent, tout comme les coûts d'emprunt à moyen et à long terme du Canada, des provinces, des entreprises et des particuliers.

Ainsi, le 7 mai, Québec avait émis une tranche de 500 millions de son obligation venant à échéance en 2023. Il avait consenti un taux de 2,724%. La semaine dernière, la tranche de 500 millions de la même obligation a dû être financée à 3,712%, soit 88 centièmes de plus en moins de 5 mois! Cet écart considérable tient à deux facteurs.

Le premier, c'est l'augmentation des coûts d'emprunt d'Ottawa depuis la seconde moitié de mai. Le président de la Réserve fédérale américaine, Ben S. Bernanke, avait alors suggéré pour la première fois que ses achats mensuels de 85 milliards en obligations du Trésor et en titres adossés à des créances hypothécaires pourraient diminuer plus tard dans l'année.

Investisseurs et spéculateurs ont commencé alors à brader leurs obligations, ce qui a provoqué des hausses des coûts d'emprunt à long terme pour un peu tout le monde en Amérique du Nord.

Quand M. Bernanke a suggéré en juin que la diminution pouvait commencer dès septembre, les hausses se sont poursuivies de plus belle.

Sa décision de décaler le début du ralentissement des achats, annoncée il y a deux semaines, a interrompu la poussée et entraîné un recul léger des taux des obligations canadiennes. Mais pas celui des provinces.

Les taux des obligations provinciales évoluent comme ceux des canadiennes auxquels s'ajoute une prime. Cette prime a aussi augmenté depuis l'été. En particulier pour le Québec.

Ainsi, l'écart entre une obligation canadienne et une québécoise de 10 ans se situait à 94,7 centièmes à la mi-juin, à 91,5 centièmes à la mi-juillet, mais à 97,5 centièmes la semaine dernière. On observe le même mouvement pour l'échéance de 30 ans.

Le Québec a encore 779 millions à financer cette année, auxquels il faut ajouter 1 milliard pour Financement Québec et environ 800 millions pour Hydro-Québec.

«Québec a emprunté beaucoup en début d'année alors que les taux étaient bien faibles, souligne Sébastien Lavoie, économiste en chef adjoint chez Valeurs mobilières Banque Laurentienne. Ça devrait lui permettre d'économiser quelques dizaines de millions au service de la dette.»