Les années se suivent, mais ne se ressemblent pas.

À pareille date l'an dernier, Québec devait trouver un peu plus de 11 milliards de dollars pour financer des besoins d'emprunt de près de 15 milliards pour l'exercice budgétaire 2012-2013.

Tout le printemps, les carrés rouges et les casseroles avaient coupé l'appétit des prêteurs, tandis que la campagne électorale à l'issue incertaine avait incité le ministère des Finances à ne pas venir aux marchés durant l'été.

Cette année, ses besoins d'emprunt sont plus modestes, à hauteur de quelque 10,7 milliards. À première vue, la tâche paraît plus simple, mais c'est oublier que les investisseurs sont devenus moins avides de titres obligataires, compte tenu des rendements alléchants que laissent miroiter les marchés boursiers. Québec doit donc se montrer, et se montre, très opportuniste.

Fin mai à Toronto, le président et chef de la direction de la Caisse de dépôt et placement, Michael Sabia, avait affirmé qu'il y aurait désormais moins d'obligations dans le bas de laine des Québécois, étant donné qu'elles rapportent peu.

Traditionnellement, la Caisse est acheteuse d'obligations du Québec. M. Sabia ne faisait pourtant que rallier une tendance de plus en plus répandue. HSBC Global Asset Management et Sun Life Global Investments, tout comme Pimco qui gère le plus gros portefeuille obligataire du monde, ont aussi annoncé qu'elles cherchaient des véhicules de placement offrant des perspectives de gain plus intéressantes que les obligations des provinces.

Bref, les conditions d'emprunt sont moins avantageuses. Cela prend la forme d'écarts de taux plus élevés entre les obligations des provinces (et du Québec) et celles du Canada. Or, les taux de ces dernières ont aussi augmenté le printemps dernier, bien qu'ils aient légèrement reculé depuis le début du mois.

Il devient en principe plus difficile et plus coûteux de (re)financer la dette publique. On ne parle pas de déficit puisque Québec a toujours l'intention d'équilibrer son budget pour l'exercice en cours.

Le ministère québécois des Finances a la réputation de gérer très adroitement le financement de la dette. Cette année encore, il se montre à la hauteur. Il a déjà amassé 8,5 des 10,7 milliards qu'il doit trouver.

Certes, ses coûts d'emprunt sont plus chers que durant l'automne et l'hiver, où ils avaient atteint des creux historiques. Qu'à cela ne tienne, il se présente aux marchés les plus intéressants pour lui et pour nous, contribuables, sur les épaules de qui repose le fardeau de la dette du Québec, le plus lourd de toutes les provinces.

Il y a une dizaine de jours, Québec a levé 1 milliard d'euros, soit l'équivalent de 1,35 milliard de dollars canadiens. C'était sa première émission dans cette monnaie depuis 2009. Il s'agit d'une obligation venant à échéance dans 10 ans, comme les quatre précédentes libellées dans cette monnaie. Le rendement consenti aux prêteurs était un peu plus faible que ce qu'auraient exigé des prêteurs canadiens ces jours-ci.

L'obligation s'est très bien vendue puisque 79 acheteurs se sont montrés intéressés.

Comme c'est toujours le cas quand Québec se présente devant les marchés étrangers, le terrain avait été soigneusement préparé par les banquiers retenus comme preneurs fermes: HSBC, BNP-Paribas, Société Générale et Deutsche Bank.

Selon l'agence Bloomberg, les caisses de retraite et les compagnies d'assurance ont acheté environ la moitié de l'émission, les gestionnaires de portefeuilles, 28%, les banques, 21%, le reste allant aux banques centrales.

Sur une base nationale, les prêteurs français ont ramassé le tiers de l'émission, les allemands et autrichiens, un autre tiers. Les investisseurs suisses et néerlandais ont aussi eu une belle part du gâteau.

Trouver 2,2 milliards d'ici le 31 mars paraît dès lors beaucoup plus facile que les 9,3 milliards qu'il fallait encore trouver en quatre mois et demi, au lendemain du budget difficile présenté le 20 novembre par le ministre Nicolas Marceau. Et Québec y était parvenu!