Le Syndicat des communications, de l'énergie et du papier (SCEP), l'un des plus importants syndicats des médias au pays, sonne l'alarme à propos de l'offre d'achat de 3,4 milliards de dollars déposée par Bell (T.BCE) pour acquérir Astral Media (T.ACM.A).

Le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) en est à la troisième journée d'audiences publiques pour déterminer si le géant des télécommunications devrait pouvoir conclure une entente pour grossir davantage.

Bell possède déjà le réseau de télévision CTV et l'ancien groupe de radio CHUM, ainsi qu'une longue liste de chaînes spécialisées, sans oublier Bell Canada, la plus importante entreprise de télécommunications du pays.

Le SCEP a déclaré mercredi à l'organisme fédéral de réglementation que la concentration des médias au pays avait de graves conséquences.

Au dire du vice-président du syndicat Peter Murdoch, la concentration des médias, en plus de réduire la diversité et d'affaiblir la concurrence, a réduit les possibilités d'emploi dans le domaine de la création de contenu.

Voilà pourquoi, dit-il, le SCEP s'oppose à l'entente.

Si le CRTC approuve la vente, il devrait s'assurer que Bell renforce la programmation originale de nouvelles locales, a ajouté M. Murdoch.

«Vous pourriez l'approuver, cependant, si les preuves qui vous sont présentées établissent que la vente bénéficierait de façon significative et sans équivoque aux Canadiens et au secteur de la télédiffusion, et si ces avantages dépassent les graves inquiétudes qu'a soulevées la proposition, particulièrement pour le secteur de l'information et des nouvelles locales.»

Selon M. Murdoch, le CRTC devrait exiger de Bell des investissements de 43,5 millions dans la production de nouvelles à la radio et à la télévision.

Le syndicat soutient également que depuis 2008, CTV a fait disparaître 24 pour cent de ses postes en télévision, incluant 233 emplois depuis l'achat de CTV par Bell. Astral a de son côté réduit ses dépenses en nouvelles radio de 8% depuis 2008, a ajouté M. Murdoch.

D'autres gros joueurs du secteur des télécommunications - Rogers, Telus et le câblodistributeur Cogeco - doivent eux aussi témoigner lors des audiences, mercredi.

Rogers s'oppose à la transaction, à moins que le CRTC n'oblige Bell à se débarrasser de certains de ses services télévisuels de langue anglaise. Tout comme BCE, Rogers possède un important empire médiatique et des télécommunications qui lui fait concurrence dans plusieurs marchés importants, dont l'Ontario, l'Alberta et la Colombie-Britannique.

Il y a quelques années, Rogers a été en mesure d'acquérir plusieurs chaînes de télévision conventionnelles de CityTV, incluant la chaîne principale du groupe, à Toronto, chaînes sur lesquelles BCE voulait mettre la main lorsqu'il a acheté Chum il y a quelques années. Le CRTC a jugé que BCE aurait dû se débarrasser des stations de CityTV afin d'obtenir l'approbation pour la transaction concernant Chum.

Québecor, Cogeco et Telus ont déjà exprimé leurs inquiétudes concernant l'offre d'achat qui, selon eux, donnerait trop de contrôle à Bell sur le paysage canadien de la télédiffusion.

Bell, de son côté, a affirmé que l'achat d'Astral Media permettra une plus grande concurrence sur le marché francophone québécois, qui est dominé par Québecor. L'entreprise soutient également qu'elle possèderait, à la suite de la transaction, 33,5 pour cent du marché télévisuel anglophone et 24,4% du marché francophone.

Le projet d'acquisition vise à créer un empire médiatique qui s'attaquerait à ses rivaux en matière d'offre de contenu numérique aux consommateurs, via divers services en ligne et appareils mobiles tels que des téléphones intelligents et des tablettes électroniques.

L'ACTRA, un syndicat qui représente des artistes de partout au pays, appuie la transaction, mais sous certaines conditions.

La présidente du syndicat, Ferne Downey, a déclaré que l'ACTRA s'en remettait au CRTC pour s'assurer que Bell ne possède pas plus de 35 pour cent du marché anglophone pour que des médias canadiens concurrents puissent continuer de voir le jour.

«Si vous faites cela, nous sommes prêts à appuyer cette transaction, a-t-elle dit. Mais pas sans hésitation.»