Un rapport sur le coût de l'amphithéâtre de Québec réalisé par la firme SNC-Lavalin en 2009 pour la Ville de Québec comporte plusieurs lacunes, a constaté La Presse Affaires. La plus importante? Les chiffres de SNC-Lavalin comportent des écarts significatifs par rapport au coût de construction officiel de neuf amphithéâtres de la LNH utilisés comme base de comparaison au projet d'amphithéâtre à Québec.

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Dans son rapport datant de 2009, SNC-Lavalin a aussi omis d'inclure plusieurs sources d'informations, en plus d'avoir utilisé une méthodologie discutable pour calculer l'inflation de ces neuf amphithéâtres en 2009.

Après avoir vérifié le coût officiel de ces neuf amphithéâtres auprès de leurs propriétaires, La Presse Affaires a constaté un écart important de plus de 5% avec le chiffre de SNC-Lavalin pour cinq des neuf amphithéâtres. L'écart est de 12% en Caroline-du-Nord (écart de 26 millions CAN), 13% à Atlanta (écart de 36 millions) et 15% à Toronto (35 millions) et Columbus (40 millions). (Voir tableau)

Pour faire ses calculs, SNC-Lavalin n'a pas obtenu les informations sur le coût des amphithéâtres directement de leurs propriétaires. «Dans nos démarches, nous avons tenté d'obtenir les informations de sources primaires (les propriétaires des amphithéâtres). Nous avons fait les appels mais nous n'avons pas pu avoir de retours d'appels dans le délai qui nous était imparti. Nous avions à peu près un mois pour faire le rapport», a indiqué Amélie Plante, porte-parole de SNC-Lavalin, à La Presse Affaires lors d'un entretien téléphonique l'automne dernier. Récemment, La Presse Affaires a eu besoin d'environ une semaine pour obtenir toutes les informations pertinentes des propriétaires des neuf amphithéâtres.

Si SNC-Lavalin n'a pas eu le temps de parler aux propriétaires des amphithéâtres, elle s'est toutefois entretenue avec les «collaborateurs ayant oeuvré à la conception de certains de ces amphithéâtres» dont la firme américaine Populus (conceptrice du Air Canada Centre, Philips Arena, Prudential Center et du Consol Energy Center), a indiqué Leslie Quinton, vice-présidente des communications de SNC-Lavalin. Depuis l'an dernier, SNC-Lavalin et Populus sont partenaires comme conceptrices des plans et devis pour l'amphithéâtre de Québec.

Dans son rapport remis à la Ville en 2009, SNC-Lavalin conclut qu'il en coûte environ 430 millions (plus ou moins 20%) pour construire un amphithéâtre multifonctionnel digne de la LNH. Plus tard dans le rapport, SNC-Lavalin conclura sur la base de son expertise (et non des comparaisons avec les neuf amphithéâtres de la LNH) que le coût d'un amphithéâtre de 18 000 sièges à Québec est de 383 millions.

Selon SNC-Lavalin, les écarts découverts par La Presse Affaires ne remettent pas en cause la conclusion finale de son rapport. Le tableau comparatif avec les neuf amphithéâtres de la LNH avait un caractère «accessoire» selon Leslie Quinton, vice-présidente des communications de SNC-Lavalin, qui rappelle les difficultés de comparer les coûts de différents amphithéâtres de la LNH. «L'information relative aux coûts de construction des amphithéâtres cités est difficilement accessible, surtout que certains sont des projets privés. La définition du coût d'un projet peut différer, d'une source à l'autre, car différents postes de coûts (comme le coût du terrain, la décontamination, les coûts directs de construction, la préparation du site, le financement, les honoraires professionnels) peuvent être ou non inclus dans le coût» indique Mme Quinton.

Inflation douteuse

L'étude de SNC-Lavalin a aussi calculé le coût de construction des neuf amphithéâtres de la LNH en dollars canadiens en 2009. Les calculs d'inflation de SNC-Lavalin soulèvent plusieurs doutes.

SNC-Lavalin a indiqué à La Presse Affaires avoir tenu compte de l'inflation jusqu'en 2009 en prenant le prix des constructions non résidentielles de Statistique Canada pour tous les amphithéâtres, même ceux construits aux États-Unis. En utilisant les mêmes chiffres (de construction et d'inflation) que la firme d'ingénierie, La Presse Affaires est arrivée à des résultats fort différents: un écart de 4% à Winnipeg, 12% en Caroline-du-Nord, 5% à Ottawa, -6% à Pittsburgh, 10% à Columbus, -1% à Toronto, 12% à Atlanta, -4% au New Jersey et 5% à Montréal.

En utilisant les chiffres d'inflation américains du Bureau of Labor Statistics pour les amphithéâtres américains, l'écart se rétrécit entre 2% et 6% pour tous les amphithéâtres américains. Sauf que SNC-Lavalin a indiqué à La Presse Affaires n'avoir utilisé que les chiffres d'inflation au Canada. Malgré nos demandes répétées pour obtenir davantage d'informations, SNC-Lavalin n'a pas voulu expliquer ses calculs, confiant le dossier à la Ville de Québec.

Sources manquantes

SNC-Lavalin a indiqué à La Presse Affaires avoir consulté des sources d'information qui n'apparaissent pas dans son rapport pour bâtir le tableau comparatif sur le coût des neuf amphithéâtres de la LNH. Sous son tableau comparatif, SNC-Lavalin énumère comme sources Wikipédia, les sites web des amphithéâtres, la Banque du Canada et l'Institut de la statistique du Québec. «D'autres sources que celles mentionnées dans le tableau du rapport [...] ont été utilisées», a indiqué par écrit Leslie Quinton, vice-présidente des communications de SNC-Lavalin. Ces sources sont le Architect Magazine, Architectural Record, Architecture Week, Business Week, Fortune Magazine et le site web hockey.ballparks.com. La firme d'architecture Populus et des sources confidentielles ont aussi été consultées.

Dans son tableau comparatif, le rapport de SNC-Lavalin a aussi inscrit l'année d'inauguration, le nombre de sièges et la durée de construction de neuf amphithéâtres de la LNH. Quatre erreurs se sont glissées dans ces portions du tableau: l'année d'inauguration à Toronto (1999 plutôt que 1996) ainsi que le nombre de sièges à Montréal (21 273 sièges plutôt que 21 000), Ottawa (19 153 sièges plutôt que 19 000) et Pittsburgh (18 087 sièges plutôt que 18 000).

Selon SNC-Lavalin, son mandat n'était pas «d'établir avec certitude les coûts de manière comparable» mais de «faire une analyse des coûts de construction et d'exploitation d'un projet d'amphithéâtre multifonctionnel», indique Leslie Quinton.

Winnipeg «bas de gamme»

Dans son rapport, SNC-Lavalin conclut néanmoins que le MTS Center de Winnipeg est «considéré comme (un projet) bas de gamme. Tant les matériaux que la conception et les aménagements ne présentent aucun attrait. L'amphithéâtre (de Winnipeg) ne possède pas non plus les attributs exigés par la LNH pour y localiser une franchise.» Le MTS Center est le domicile des Jets depuis leur retour dans la LNH la saison dernière.

L'auteur du rapport de SNC-Lavalin à la Ville de Québec, l'ingénieur Michel Labbé, siégeait au conseil d'administration du groupe J'ai ma place au moment de rédiger son rapport à l'été 2009. M. Labbé s'est retiré du C.A. de J'ai ma place, qui vend le droit d'acheter des sièges dans le futur amphithéâtre de Québec, en avril 2011. Son employeur SNC-Lavalin fait partie du consortium qui fait les plans et devis de l'amphithéâtre depuis octobre dernier. Pour assister M. Labbé, SNC-Lavalin a indiqué avoir engagé un expert qui détient une maîtrise en économie, sans préciser l'identité de ce consultant.

La Ville de Québec a payé 23 000$ pour le rapport de SNC-Lavalin en 2009. Le maire Régis Labeaume a préféré ne pas commenter le rapport, a indiqué hier son attaché de presse.

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Les insuffisances du rapport

> Écarts importants par rapport au coût de construction officiel de cinq des neuf amphithéâtres de la LNH étudiés.

> Écarts importants dans le calcul de l'inflation jusqu'en 2009.

> Utilisation du taux de change en vigueur lors de la construction des amphithéâtres américains (plutôt que le taux de change en vigueur en 2009).

> Omission de certaines des sources d'information consultées.

> Année de construction erronée pour le Air Canada Centre et nombre de sièges erroné pour trois amphithéâtres sur neuf.