Oubliez Berlin et Dublin. Les minientreprises du web aux grandes ambitions n'ont d'yeux que pour Londres. Depuis un an, la croissance explosive de «Tech City» fait rêver David Cameron de reprise économique. Et des géants, comme Google, veulent être de la fête.

À deux pas de la station Old Street, dans l'est de Londres, Tech Hub ressemble davantage à un café étudiant qu'à une pépinière d'entrepreneurs. Des jeunes hommes vêtus de jeans fripés entrent dans la salle commune de travail, cappuccino à la main. Des câbles pour alimenter les tables de travail s'échappent du plafond entre des néons dénudés.

Mais une des têtes ébouriffées dissimulées derrière les écrans d'ordinateur pourrait bien être celle du prochain Mark Zuckerberg (Facebook) ou du prochain Larry Page (Google).

Le succès de Tech Hub, une ruche à start-up (entreprises en démarrage) qui roule déjà à plein régime, témoigne de la popularité du quartier Shoreditch auprès des développeurs de réseaux sociaux, de jeux vidéo, d'applications mobiles et de commerce en ligne.

Attirées par les locaux bon marché, les galeries d'art, les bars branchés et la faune créative, environ 600 start-up sont aujourd'hui nichées dans l'est de Londres comparativement à 150 en novembre 2010.

«Nos meilleurs contacts menaient vers Shoreditch», explique l'Estonien Taavi Raidma, cofondateur de CrowdIPR, un réseau d'externalisation (crowdsourcing) de la recherche de brevets.

«Tout ce dont nous avons besoin se trouve ici, poursuit l'entrepreneur de 27 ans. Des avocats et des comptables spécialisés dans les entreprises de démarrage, des investisseurs et des clients potentiels, d'autres entreprises de démarrage.»

Le premier ministre David Cameron veille lui-même sur l'effervescence du quartier qu'il a baptisé «Tech City» afin de faire grandir l'intérêt à l'étranger. Les hipsters de Shoreditch parlent plutôt d'un «Rond-point Silicon».

«Après tout, nous n'avons pas de grande industries manufacturière comme à Silicon Valley», tempère Matthew Sheret, de la radio personnalisée Last. fm, fleuron de Tech City qui fut racheté pour 280 millions US par CBS en 2007.

Google débarque

Sans doute. Mais les histoires à succès se multiplient. Ces jours-ci, on ne parle que de l'entreprise Mind Candy dont les jeux en ligne Moshi Monsters connaissent un succès... monstre auprès de 60 millions de jeunes usagers. Évaluée à 200 millions de dollars l'été dernier, elle sera bientôt inscrite en Bourse, a annoncé son fondateur, Michael Acton-Smith.

N'en déplaise aux faux modestes, Tech City commence à faire de la concurrence à Silicon Valley. Cinquante entrepreneurs ont quitté la vallée californienne pour le brouillard londonien selon une étude de Songkick, un site qui repère les concerts pour les mélomanes.

Les géants d'internet, comme Twitter, ne se contentent plus d'envoyer leurs chasseurs de têtes dans les événements branchés de Shoreditch.

Google inaugurera son propre incubateur de jeunes entreprises le 26 mars prochain. Le Google Campus abritera 200 locaux de bureaux et proposera des conférences et des programmes de mentorat.

«Tech City est déjà le foyer de centaines de développeurs web, d'entrepreneurs... Remplissons cette ville de start-ups», peut-on lire sur le site de Google Campus.

Planche de salut

Les applaudissements ont sans doute retenti jusqu'à Downing Street. Aux yeux de David Cameron, le secteur des nouvelles technologies pourrait être la planche de salut dont l'économie britannique a tant besoin.

«Les entreprises de démarrage sont un moteur économique incroyablement important, explique à La Presse Andrew Humphries, conseiller de David Cameron et champion de Tech City. Prenez les États-Unis, où 40% du PIB (produit intérieur brut) provient d'entreprises qui n'existaient pas dans les années 80...»

Leurs effets à court terme se font déjà sentir à Londres, où elles ont généré 76% de la croissance en 2011, selon la firme de recherche Duedil. Et elles embauchent continuellement. À la dernière foire d'emplois de Tech City, en octobre dernier, 700 postes étaient à pourvoir.

Faute de deniers, Downing Street a introduit des mesures fiscales favorables à l'entrepreneuriat, dont une réduction d'impôt de 50% sur les investissements dans les start-up à partir d'avril 2012.

Les investisseurs ont répondu à l'appel. Toutefois, les affaires vont si bien que des entrepreneurs ont le luxe de dire non. «Nous voulons croître de façon durable. Nous voulons encore être ici dans 20 ans», explique Stefan Siegel, fondateur de la boutique de mode virtuelle Not Just A Label.