Le taux de chômage dans la zone euro a atteint des sommets fin 2011, une situation aggravée par la politique d'austérité menée par de nombreux gouvernements, estiment mardi des analystes à l'heure où les dirigeants européens s'engagent vers encore plus de discipline budgétaire.

Le taux de chômage, qui a atteint 10,4% en novembre et décembre dans la zone euro, n'avait jamais été aussi élevé depuis juin 1998, selon les chiffres publiés mardi par Eurostat.

Il s'agit du huitième mois consécutif au cours duquel le chômage a atteint ou dépassé le seuil de 10% dans la zone euro.

Les écarts sont particulièrement marqués entre pays: l'Espagne est toujours celui où le taux de chômage est le plus élevé, à 22,9%, comme le mois précédent, devant la Grèce (19,2%). Et l'Autriche reste celui où il est le plus faible, à 4,1%, devant les Pays-Bas (4,9%) qui détrônent à la deuxième place le Luxembourg (5,2%).

Le taux de chômage de la France, à 9,9%, a progressé par rapport à novembre (9,8%) alors qu'en Allemagne il a baissé au contraire à 5,5% contre 5,6%.

Entre avril et décembre, la zone euro a vu le nombre de chômeurs s'accroître de 816.000 personnes, souligne Howard Archer, de IHS Global Insight, pour qui il y a désormais «un risque réel de voir le taux de chômage de la zone euro atteindre 11% en 2012».

Cette tendance est largement à mettre au compte de la politique budgétaire très stricte appliquée un peu partout dans la zone euro, selon lui. D'une part, parce que «les emplois dans le secteur public risquent de se raréfier dans plusieurs pays, dans le cadre des mesures d'austérité». Mais aussi parce que la consommation devrait ralentir car «les consommateurs sont confrontés à des gels de hausses de salaire et à une politique budgétaire drastique».

Son collègue Martin Van Vliet, d'ING, partage cette analyse et note que des pays sous programme d'aide internationale comme le Portugal ou l'Irlande --une aide accompagnée de strictes mesures d'austérité-- ont vu leur taux de chômage «augmenter, à partir d'un niveau déjà élevé». Le taux de chômage atteint désormais 13,6% au Portugal et 14,5% en Irlande.

«Le taux de chômage élevé en Europe du Sud tient en partie à des facteurs structurels, mais reflète aussi la douleur infligée par des programmes d'austérité draconiens», selon M. Van Vliet. Pour lui, «à cet égard, toute décision pour assouplir des objectifs budgétaires irréalistes, comme cela est envisagé en Espagne, serait la bienvenue».

Pourtant, c'est vers encore plus de discipline que vont les 25 pays européens (à l'exception du Royaume-Uni et de la République tchèque) qui ont signé lundi soir à Bruxelles, à la demande de l'Allemagne, un pacte budgétaire par lequel ils s'engagent à corriger automatiquement tout dérapage de leurs finances publiques.

Si le président de la banque centrale européenne, Mario Draghi, s'en est réjoui en estimant que cela «renforcerait la confiance dans la zone euro», les syndicats européens redoutent, eux, de voir «institutionnaliser l'austérité», et ont promis une journée d'action le 29 février.

La signature de ce pacte lors du sommet de lundi a en tout cas éclipsé le reste de son ordre du jour, justement consacré à la croissance et l'emploi.

Les dirigeants européens ont promis de se pencher sur les 82 milliards d'euros de fonds de la Commission non utilisés, afin de les orienter vers des projets pour l'emploi des jeunes, en particulier dans les huit pays où il dépasse 30%, et le soutien aux PME.

Mais en la matière, il n'y a eu «aucun engagement, rien que des mots creux», a déploré la Confédération européenne des syndicats dans un communiqué.

Pour sa secrétaire générale Bernadette Ségol, «les plans pour rétablir l'équilibre des finances publiques doivent, avant tout, s'attaquer à la question de la croissance durable», car «l'austérité tue la croissance et l'emploi».