Le temps serait enfin venu: Facebook ferait son entrée en Bourse au début de 2012. Des débuts fracassants au terme desquels le réseau social vaudrait 100 milliards US.

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Même s'il s'agirait de la plus importante entrée en Bourse dans le secteur techno depuis celle de Google en 2004, les analystes boursiers ne cliquent pas sur l'onglet «J'aime». Ils trouvent le prix demandé aux investisseurs trop élevé. «C'est trop cher», résume Richard Guay, professeur de finance à l'UQAM et ancien grand patron de la Caisse de dépôt et placement du Québec.

Selon le scénario anticipé, Facebook, qui compte 800 millions de membres dont 500 millions se branchent quotidiennement sur le réseau social, vaudrait 100 milliards US au moment de son entrée en Bourse. Selon le scénario actuellement considéré par Facebook, seulement 10% des actions seraient échangées en Bourse. Le premier appel public à l'épargne de Facebook serait donc d'une valeur de 10 milliards US. Le reste des actions continuerait d'être détenu par les investisseurs privés, dont le cofondateur Mark Zuckerberg qui détient 24% des actions.

Des revenus de 4 milliards US

Le réseau social, qui ne dévoile pas ses résultats financiers, aurait généré des revenus de 4 milliards US en 2011 et des profits de 500 millions US durant les six premiers mois de l'année. À 100 milliards US pour l'ensemble de l'entreprise, le titre de Facebook s'échangerait à 100 fois ses profits annuels et 25 fois ses revenus annuels. À titre de comparaison, le titre de Google s'échange à 19,9 fois ses profits annuels et l'indice boursier S&P 500, à 12,6 fois ses profits annuels.

Évidemment, des entreprises en pleine croissance comme Facebook s'échangent à un ratio beaucoup plus élevé à leur entrée en Bourse, le temps que les profits futurs se matérialisent. En 2004, Google est entré en Bourse à environ 77 fois ses profits annuels de 300 millions US. Google valait environ 23 milliards US à son entrée en Bourse. Offerte au départ à 85$US, l'action de Google vaut aujourd'hui 582,93$US.

Depuis deux ans, Facebook aurait augmenté ses profits de 20% par année. Si l'entreprise conserve ce rythme durant 10 ans, son titre s'échangera alors à 16 fois ses profits annuels en 2011 advenant un rendement nul (0%) en 10 ans, selon les calculs de Richard Guay. Et encore, il faudrait que Facebook continue sur sa lancée. «C'est très difficile mais pas impossible de maintenir une telle croissance quand on a la taille de Facebook», dit Richard Guay.

Croissance limitée

Les autres analystes financiers consultés par La Presse Affaires ne sont guère plus enthousiastes à propos du premier appel public à l'épargne de Facebook. «Ne prenez pas votre REER pour acheter ça, dit Nadim Rizk, vice-président des actions étrangères de la firme montréalaise Fiera Sceptre. L'entreprise connaîtra encore une grande croissance, mais ce n'est pas un start-up. Il y a toutefois une possibilité de faire un profit à court terme avec l'action en la revendant dans les six mois à cause de l'engouement autour du titre.»

Jean-Philippe Bouchard est du même avis. «C'est risqué de payer une telle prime. L'investisseur n'a pas beaucoup de marge de manoeuvre», dit le gestionnaire de portefeuille de la firme montréalaise Giverny Capital.

«Le piège, c'est de confondre un bon placement et une bonne entreprise», dit Vincent Delisle, stratège boursier chez Scotia Capitaux, qui ne veut pas parler d'une bulle pour les médias sociaux en Bourse. «Mais il y a probablement un engouement, dit-il. C'est difficile de prédire où sera Facebook dans cinq ans.»

L'expérience boursière du site de bons de réduction sur internet Groupon, dont le titre a perdu 38,7% de sa valeur depuis son entrée en Bourse le 7 novembre dernier, pourrait refroidir les ardeurs de certains investisseurs.

Zuckerberg dans le doute

Le cofondateur et PDG de Facebook, Mark Zuckerberg, n'a jamais été chaud à l'idée d'entrer en Bourse, préférant plutôt faire appel à des investisseurs privés depuis qu'il a fondé Facebook dans sa chambre de résidence à l'Université Harvard en 2004. S'il n'a pas pris de décision finale, M. Zuckerberg se rallierait tranquillement à l'éventualité d'entrer en Bourse, selon des sources au courant de la situation. Un prospectus d'appel public à l'épargne aurait été rédigé. Facebook pourrait signifier sa décision à la Securities and Exchange Commission (SEC) aussi tôt qu'avant la fin de l'année 2011. Le chef de la direction financière de Facebook, David Ebersman, discuterait actuellement avec des banquiers de Silicon Valley au sujet d'une éventuelle entrée en Bourse.

L'une des raisons qui pourraient faire changer d'idée Mark Zuckerberg: Facebook devra publier ses résultats financiers à partir d'avril prochain. À la fin de 2011, Facebook aura plus 500 investisseurs, un seuil qui l'oblige à rendre public ses résultats financiers en vertu de la réglementation de la SEC.