Les changements climatiques sont l'un des plus grands défis auxquels nous devrons faire face à l'avenir. Au Canada plus précisément, la Table ronde nationale sur l'environnement et l'économie (TRNEE) évalue ces dommages à un total d'environ 5 milliards de dollars par année en 2020 qui pourrait atteindre jusqu'à 43 milliards de dollars par année vers 2050.

Atténuer les changements climatiques

Pour faire face à ces menaces, la stratégie traditionnellement évoquée est celle dite de l'atténuation (des changements climatiques). Puisque ces derniers sont dus, selon le GIEC, aux activités humaines émettant des gaz à effet de serre (GES) qui s'accumulent dans l'atmosphère, les stratégies d'atténuation visent à réduire ces émissions de GES. Au Québec, par exemple, où l'électricité est principalement produite à partir d'énergies renouvelables (n'émettant donc pas de GES), une stratégie d'atténuation consiste pour le gouvernement à promouvoir l'électrification des transports individuels et collectifs, grâce à son Plan d'action 2011-2020 sur les véhicules électriques.

Dès 1992, la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) a en effet appelé à «stabiliser [...] les concentrations de gaz à effet de serre dans l'atmosphère à un niveau qui empêche toute perturbation anthropique dangereuse du système climatique». Une première étape vers cet objectif a été décidée en 1997. Le protocole de Kyoto à la CCNUCC a fixé pour les pays développés des cibles de réduction des émissions de GES. Malgré les réductions effectuées par plusieurs pays, les émissions mondiales de GES continuent à augmenter. En conséquence, les concentrations de GES dans l'atmosphère continuent à croître fortement.

S'adapter aux changements climatiques

Dans ce contexte, et puisque de futurs changements climatiques apparaissent désormais inévitables, les stratégies dites d'adaptation aux changements climatiques ont récemment acquis un nouvel élan pour devenir une composante importante des programmes climatiques. Contrairement aux mesures d'atténuation, les mesures d'adaptation ne visent pas à réduire les émissions de GES, mais à fournir des stratégies pour faire face efficacement aux effets des changements climatiques, et ce, en réduisant leurs impacts négatifs. Ces mesures comprennent un large éventail de secteurs et d'options, par exemple: mise en oeuvre de nouvelles cultures agricoles mieux adaptées aux nouveaux climats anticipés, renforcement ou construction de digues maritimes pour protéger les villes côtières de l'élévation attendue du niveau des océans ainsi que des risques accrus de tempêtes... Au Canada, la TRNEE distingue dans son dernier rapport des stratégies d'adaptation en matière d'approvisionnement forestier, de régions côtières, de santé humaine et d'écosystèmes.

Un juste équilibre à trouver

Dans une étude récemment réalisée à HEC en collaboration avec le professeur Marc Chesney et Jonathan Gheyssens, de l'Université de Zurich (Suisse), nous avons évalué quel devrait être à l'échelle mondiale la contribution respective des stratégies d'atténuation et d'adaptation aux programmes climatiques. Nous avons montré que plus l'adaptation est efficace (c'est-à-dire, plus les mesures d'adaptation sont capables de réduire les impacts négatifs des changements climatiques), plus il faudrait y avoir recours, du point de vue de la rationalité économique, et ce, au détriment des efforts de réduction des émissions de GES. Cela n'empêcherait cependant pas à long terme une transition vers une économie mondiale basée principalement sur des énergies renouvelables et donc peu émettrice de GES. Par contre, un recours plus important à l'adaptation entraînerait une hausse des émissions de GES (et donc des changements climatiques) à court et moyen termes.

Il s'agit là d'un aspect délicat du recours aux stratégies d'adaptation. Car s'il est possible de s'adapter efficacement à des changements climatiques graduels, il n'en est vraisemblablement pas de même pour des changements climatiques dits «abrupts». Ces derniers correspondent à des changements de régime climatique rapides et potentiellement irréversibles, tels que l'effondrement dans l'Atlantique de la circulation thermohaline (qui correspond à un vaste système de courants océaniques). De tels changements pourraient survenir pour une hausse des températures supérieure à 2 °C, limite reconnue comme dangereuse à Copenhague en 2009 par la Conférence des parties à la CCNUCC.

Les programmes climatiques nationaux devraient donc certes mettre en oeuvre localement des stratégies d'adaptation aux inévitables changements climatiques, mais sans négliger de participer à des efforts de réduction des émissions mondiales de GES afin d'éviter de subir dans le futur des changements climatiques trop draconiens.

Olivier Bahn est professeur agrégé en méthodes quantitatives de gestion à HEC Montréal. Il est également membre du Groupe d'études et de recherche en analyse des décisions (GERAD) et du Groupe de recherche interdisciplinaire en développement durable (GRIDD).