Le gouvernement fédéral n'en a pas pour son argent avec les milliards de dollars qu'il investit chaque année pour encourager ses entreprises à innover. Et il devrait revoir sa stratégie de soutien de fond en comble.

C'est ce que conclut un comité d'experts mandaté par le gouvernement fédéral pour se pencher sur les lacunes du Canada en recherche industrielle et dont le rapport était attendu avec impatience par le milieu de l'innovation du pays.

Le groupe s'attaque notamment à la pierre angulaire de la stratégie fédérale en innovation, les populaires crédits d'impôt à la recherche et développement (R-D), un programme jugé confus, complexe et trop coûteux.

«L'actuel programme est si complexe que beaucoup de petites entreprises font appel à un consultant externe uniquement pour les aider à présenter une demande. Plusieurs finissent par se décourager et n'en présentent aucune», constate le groupe.

Question de simplifier le programme, on propose que les PME puissent réclamer des crédits uniquement pour les coûts liés à la main-d'oeuvre, excluant ainsi les dépenses en équipements.

Les experts recommandent aussi une réduction pure et simple des sommes allouées au programme. L'argent économisé serait redirigé vers des subventions aux entreprises et du capital-risque.

«On a regardé la situation dans plusieurs pays et on se rend compte que le Canada mise beaucoup plus que les autres sur l'aide indirecte, c'est-à-dire les crédits d'impôt. Ce qu'on propose, c'est un léger rééquilibrage», a expliqué à La Presse Affaires Monique Leroux, présidente du Mouvement Desjardins et membre du comité.

Globalement, le groupe note que le Canada est l'un des pays les plus généreux au monde dans l'aide à la R-D, mais que ses entreprises sont en queue de peloton quant à leurs investissements en recherche.

Les experts ont dénombré jusqu'à 60 programmes d'aide aux entreprises relevant de 17 ministères fédéraux. Pour permettre aux entreprises de s'y retrouver, ils proposent de créer un Conseil sur la recherche et l'innovation industrielles qui chapeauterait le tout et servirait de «guichet unique».

Le comité rappelle aussi au gouvernement fédéral qu'il possède un important pouvoir d'achat qui pourrait être utilisé pour favoriser la recherche canadienne. «Le bon sens exige que nous réservions à l'innovation réalisée au Canada une place de choix dans l'achat et l'approvisionnement du gouvernement», écrit le groupe.

Le milieu de l'innovation a réagi de façon inégale au document.

«Le comité a fait un bon travail d'analyse sur les principes et a suggéré des pistes intéressantes. Mais il reste beaucoup de travail à faire», dit Albert de Luca, spécialiste en innovation chez Samson Bélair/Deloitte&Touche.

S'il applaudit la décision de simplifier le programme de crédits à la R-D, M. de Luca s'interroge sur l'idée d'exclure les investissements en équipements des dépenses admissibles pour les PME.

«On sait que les entreprises canadiennes affichent un retard de productivité parce qu'elles n'investissent pas suffisamment en immobilisation. Il va falloir étudier l'impact d'une telle mesure», dit-il.

Céline Bak, cofondatrice de la Coalition canadienne des technologies propres, un regroupement de PME qui font des technologies environnementales, milite depuis longtemps pour que les gouvernements se dotent de politiques d'achat visant à encourager l'innovation.

«On est très heureux de voir ça écrit noir sur blanc. Un gouvernement qui achète de la technologie verra sa productivité augmenter. C'est une solution qui fait gagner tout le monde», dit Mme Bak.

Guy Drouin, président de l'entreprise Biothermica et trésorier de la grappe des technologies propres Écotech Québec, est quant à lui un ardent défenseur des crédits d'impôt à la R-D et dénonce l'idée d'y sabrer des sommes pour les rediriger vers des programmes de subvention.

«La PME a besoin d'une garantie de pérennité dans son financement, et les crédits d'impôt sont la meilleure façon de faire ça», martèle M. Drouin, qui est aussi déçu de voir qu'aucun crédit d'impôt à la commercialisation n'est proposé.