Même s'ils ne peuvent encore échapper tout à fait au ralentissement des économies avancées, comme en font foi leurs indices boursiers, les pays émergents restent promis à un meilleur avenir.

À eux seuls le Brésil, la Russie, l'Inde et Chine (l'ensemble BRIC) ont assuré 37% de la croissance mondiale de 2000 à 2010 comparativement à 38% pour l'ensemble des économies développées. Cette tendance ira en s'accélérant, quand on pense au surendettement des ménages et des gouvernements des économies avancées.

«D'ici 2015, 50% du commerce chinois avec les autres pays se fera en renminbis alors que c'est à peine 3% aujourd'hui», prédit Vincent Craignou, responsable en chef international, options sur devises et métaux précieux, au Groupe HSBC, la première banque britannique. Cela illustre le développement rapide des échanges commerciaux à l'extérieur de la zone dollar. L'accélération des transactions sur la monnaie chinoise est exponentielle depuis que Pékin a partiellement autorisé la convertibilité de sa monnaie, en juillet 2010, et annoncé qu'elle sera flottante dès 2015.

Le renminbi s'échange à hauteur de 3 à 4 milliards par jour à Hong Kong, ce qui est bien peu, mais ça ne fait que commencer. «L'internationalisation du renminbi est la plus grande révolution du marché des changes depuis l'effondrement des accords de Bretton Woods, en 1971», affirme M. Craignou qui faisait une présentation mercredi soir à la conférence Affaires sans frontières.

La Chine au sommet

Voilà pourquoi on ne s'étonnera pas que HSBC voit la Chine comme première économie du monde dans 40 ans avec un revenu par habitant trois fois et demie plus faible que celui des États-Unis. L'an dernier, la proportion était de 15 fois.

Cette poussée, qu'on observe aussi dans plusieurs autres économies émergentes, fera bien des perdants en Occident. L'Inde sera devenue la troisième économie du monde, le Mexique la huitième, alors que l'Italie sera recalée au onzième rang.

La bonne nouvelle dans tout cela, c'est que le Canada est la seule économie du G7 qui aura conservé son rang, le dixième.

Le Canada paraît en effet le pays occidental le mieux placé pour profiter de ce jeu de bascule mondial, tant par ce qu'il produit que par sa capacité de réaliser quelques investissements stratégiques. «Les rendements boursiers des pays émergents et du Canada sont étroitement corrélés et sont à l'avantage du Canada», souligne Bernard Morency, premier vice-président, déposants et initiatives stratégiques, à la Caisse de dépôt et placement, également conférencier.

Depuis 2000, la performance de la Bourse de Toronto a supplanté non seulement celle de New York, mais aussi celle de l'indice MSCI pays émergents, un panier de 20 parquets.

M. Morency a souligné qu'il faut aborder ces marchés avec la plus grande prudence. «L'argent facile est derrière nous», a-t-il affirmé. Il a raconté comment la Caisse s'y était prise pour faire porter de 3 milliards, ou 2,5% de son portefeuille, à 9,8 milliards, ou 6,5% ses investissements, dans les économies émergentes, entre 2005 et 2010.

La part du lion est placée dans les marchés boursiers, le reste est investi dans l'immobilier et, dans une moindre mesure, dans des participations directes et des produits de couverture.

Il a énuméré les sept risques supplémentaires à considérer quand on fait affaire dans ces économies: change, instabilité politique, dictature ou quasi-dictature, État de droit défaillant, opacité de l'information, surchauffe et, par-dessus tous les autres, risque d'exécution.

Pour le maîtriser, trois ingrédients sont essentiels: une présence locale ou un partenaire en qui une relation de connivence existe, des compétences internes et une stratégie à long terme.

Ainsi, la Caisse a fait un mauvais coup dans l'immobilier en Russie, faute d'avoir bien soupesé le premier ingrédient.

M. Morency a aussi mis en garde contre ce qu'il appelle l'exposition implicite. Il s'agit de la présence dans les pays émergents d'entreprises occidentales dans lesquelles un investisseur a déjà placé ses billes.

Ainsi, des 29 milliards de revenus d'Apple, 3,8 viennent de Chine. Un an avant, c'était 700 millions seulement.

«Comment quantifier l'implicite? Ça signifie que la Caisse a deux fois plus d'argent au bat dans les pays émergents», résume le gestionnaire.