Chez les couples dans la cinquantaine, le partage du régime de retraite est la plus grande source d'erreur pendant les procédures de divorce.

«C'est épouvantable et j'en vois chaque jour!», lance Carolyn Martel, actuaire associée. À titre d'experte, elle se rend en cour au moins 30 fois par année dans des causes de droit de la famille.

Combien de fois voit-elle des gens qui se disputent pour le vieux chalet en décrépitude qui ne vaut même pas 100 000$... mais qui ne réalisent pas que le régime de retraite vaut 1 million de dollars?

Ce n'est pas si rare. Beaucoup d'employés de la fonction publique qui peuvent prendre une retraite sans pénalité dès 55 ans, comme les pompiers ou les policiers, ont un régime de retraite qui peut valoir plus de 1 million.

La valeur du régime de retraite accumulée durant le mariage doit être séparée. Mais le problème, c'est que cette valeur n'est pas coulée dans le béton.

«Si le divorce survient avant ou après la retraite, on peut voir des différences qui vont du simple au double. C'est là où il y a les plus grandes distorsions», dit la notaire Guylaine Lafleur.

Lorsque le couple se sépare juste avant la retraite, la conjointe risque de se retrouver avec seulement le quart de la rente de son mari, au lieu de la moitié. «C'est vraiment terrible. Et les femmes ne le savent pas», dit Mme Martel.

À l'inverse, si le divorce survient après la retraite, l'homme peut se faire piéger et y laisser les trois quarts de sa rente. «C'est une surprise désastreuse», enchaîne-t-elle.

Quand votre divorce enrichit la RRQ

Les couples qui divorcent peuvent perdre au change en divisant leurs rentes de la Régie des rentes du Québec.

Pour ne pas pénaliser les femmes qui ont mis leur carrière de côté pour élever leurs enfants, la RRQ exclut du calcul de la rente les années où la mère a reçu des allocations familiales. En cas de divorce, cela brouille les cartes.

Prenons un homme qui reçoit 600$ par mois, et sa femme 438$, pour un total de 1038$. Après le partage, le mari recevra 368$ et sa femme 499$, pour un total de 867$. Le couple a perdu 171$ par mois dans l'équation. «C'est choquant», dit Carolyn Martel.

Avant de partager les rentes, il faut demander une simulation à la RRQ. Dans certains cas, il est préférable de ne pas partager la RRQ. Il vaut mieux compenser en partageant d'autres actifs, après avoir déterminé la part qui reviendrait au conjoint.

Régime de retraite 101

Qu'est-ce qui provoque de telles distorsions? L'univers des régimes de retraite est complexe: «C'est comme les voitures, il y en a de tous les modèles», illustre Mme Martel.

Il existe deux grandes catégories de régimes de retraite. Les régimes à «cotisations déterminées» posent moins de problèmes. L'employeur et l'employé versent généralement chaque année une somme déterminée.

L'argent fructifie au fil des ans et la somme accumulée permet au travailleur de vivre à la retraite. En cas de divorce, la somme est séparée entre les époux. Elle risque d'être faible à cause des piètres rendements à la Bourse ces dernières années. Mais au moins, la somme à partager est claire.

Par contre, il faut un actuaire pour établir la valeur d'un régime à «prestations déterminées», l'autre catégorie de régime. Dans ces régimes, l'employeur établit à l'avance la rente à laquelle son employé aura droit à la retraite, en fonction de son salaire, de ses années de services, de l'âge de sa retraite...

Cela fait beaucoup d'hypothèses avec lesquelles il faut composer lorsqu'on établit la «valeur actuarielle» de la rente qui sera versée dans le futur.

Pour compliquer les choses, il existe au Québec quatre lois différentes qui dictent les règles de partage en cas de divorce, selon la catégorie dans laquelle tombe le régime de retraite.

Divorcer avant la retraite

Lorsque le couple divorce quelques années avant la retraite, le conjoint est souvent désavantagé.

Mme Martel donne un exemple concret. Paul, 55 ans, touchera une rente de 35 000$ à sa retraite. La valeur actuarielle de sa rente s'élève à 300 000$, car on présume qu'il prendra sa retraite à 65 ans et qu'il touchera sa rente durant 15 ans si son espérance de vie est de 80 ans.

Mais voilà que Paul décide de prendre sa retraite à 55 ans. «Le matin de la retraite, la valeur du son régime bondit parce que l'employeur doit faire une injection importante de capital étant donné que la rente sera versée plus longtemps», explique Mme Martel.

Du jour au lendemain, la valeur de son régime de retraite sera presque deux fois plus élevée (570 000$). Logique, car il recevra des paiements durant presque 25 ans.

Si Paul demande le divorce juste avant sa retraite, sa femme n'aura droit qu'à 150 000$ dans le partage de la rente. «Elle se retrouvera avec seulement le quart de la rente de la rente de son mari au lieu de la moitié», dit Mme Martel.

Notez que deux dates peuvent être utilisées pour établir le partage du régime de retraite: soit le jour de la cessation de vie commune, soit le jour du déclenchement des procédures. «Le choix de cette date peut être fatidique», souligne Mme Martel.

Divorcer après la retraite

À l'inverse, un retraité peut se faire vider sa caisse s'il ne fait pas ses calculs comme il faut.

Après la retraite, la valeur actuarielle d'un régime de retraite commence à diminuer, car le retraité touche sa rente. Si le couple divorce après la retraite, la rente sera partagée en deux. Le conjoint aura droit à la moitié de la valeur du régime au moment du divorce, plus les intérêts.

Or, les procédures durent parfois quelques années. Et pendant tout ce temps, le retraité aura reçu sa rente en entier, alors qu'il aurait dû en laisser une moitié à l'autre. Il faudra qu'il rembourse les sommes qu'il a reçues en trop!

«Sa rente peut être réduite de 60%, 70% 80% ou plus... Nous avons déjà vu des cas où le rentier a perdu la totalité de sa rente», indique Mme Martel.

Elle cite un cas pathétique. Georges touche une rente de 30 000$. Au moment de son divorce, son fonds vaut 400 000$. Mais le dossier traîne pendant sept ans. Lorsque le transfert a lieu, il doit verser à son ex-femme 200 000$ plus les intérêts, ce qui totalise 410 000$.

Mais Georges n'a plus que 370 000$ dans son régime, puisque la valeur diminue au fil des ans. Il ne lui reste plus un sou!

Cette mécanique est encore plus injuste si Georges a versé une pension alimentaire à sa femme pendant sept ans.

Il y a différents moyens de compenser cette injustice, dit Mme Martel. Par exemple, on peut soustraire le montant des pensions alimentaires versées durant les procédures ou partager les autres actifs de façons inégales.

Mais encore faut-il le prévoir avant de conclure le divorce.

Un travailleur, un retraité

De plus en plus, les deux membres du couple travaillent, gagnent un salaire semblable, et disposent de leur propre régime de retraite.

Mais cela ne veut pas dire que le partage est plus simple. Les résultats peuvent être désastreux si le divorce survient lorsqu'un époux travaille et l'autre est déjà à la retraite.

Prenons Claudette et Jean-Marie. Ils ont exactement le même âge, le même emploi, le même salaire, le même régime de retraite. Mais Claudette vient de prendre sa retraite, tandis que Jean-Marie travaille encore.

Ils divorcent. Même s'ils ont chacun droit à une rente de 30 000$ par année, comme Claudette est déjà à la retraite, la valeur actuarielle de son régime est deux fois plus élevée que celle de son mari, disons 350 000$ versus 150 000$.

Claudette devra donner 150 000$ à Jean-Marie, mais celui-ci n'aura qu'à lui donner 75 000$. Claudette se retrouvera avec une rente de 22 000$ et Jean-Marie 40 000$. Incroyable, mais vrai!

Bien séparer les prestations pour enfants

Un bel exemple d'oubli: les prestations gouvernementales pour les enfants.

Prenons un exemple. Josée travaille à temps partiel et gagne 30 000$, tandis que Mathieu gagne 100 000$. Avec un revenu familial de 130 000$, le couple reçoit environ 3000$ par année pour ses trois enfants.

Le couple se sépare au mois de mai et Josée a la garde des enfants. Mathieu paie une pension alimentaire qui tient compte des sommes que Josée recevra de Québec et Ottawa, environ 13 000$ par année.

Mais Josée ne pense pas à aviser le gouvernement immédiatement de sa séparation. Ce n'est qu'au mois d'avril suivant, lorsque Josée fera sa déclaration de revenus, que le gouvernement réalisera que la situation a changée.

«Ils vont faire l'ajustement. Mais pourquoi attendre? C'est souvent à la séparation qu'on a le plus besoin d'argent», dit Mme Schirm.

Trois mois après le divorce, Josée peut aller sur les deux sites web des gouvernements qui lui enverront les montants immédiatement. «Souvent, les gens ne le savent pas», déplore Mme Schirm.

Lorsque la garde est partagée, les deux conjoints ont droit à la moitié des prestations. Mais encore faut-il en faire la demande. Sinon, l'autre conjoint continuera de recevoir 100% de l'argent.

Quand l'un des parents réalise qu'il n'a pas touché sa part, il peut faire la demande et le gouvernement lui versera rétroactivement la somme. Mais l'autre conjoint devra rendre l'argent versé en trop. Rien pour améliorer les relations entre les ex.

Et si la nouvelle «blonde» touchait la rente de veuve à votre place...

Dans certains régimes de retraite, notamment celui d'Air Canada, les conjoints peuvent se faire jouer un bien mauvais tour.

Dans le divorce, le conjoint a obtenu une part de la rente de son conjoint. Mais le paiement n'est pas éternel! Si le rentier meurt, c'est sa nouvelle conjointe qui pourrait toucher la rente de conjointe survivante.

«L'ex-femme pense qu'elle va recevoir la rente de veuve, mais ça s'en va à la nouvelle blonde. Et l'ex-femme se retrouve avec rien. Ça n'a aucun bon sens!», s'exclame Carolyn Martel. Aussi, les pensions alimentaires ne sont pas éternelles. «Les femmes ne réalisent pas que si elles reçoivent une pension alimentaire de Monsieur et que Monsieur meurt, elles ne pourront réclamer à la succession que pour un an de pension alimentaire à la suite du décès», dit Sylvie Schirm.

Gros problème. Mais on peut avoir une entente. On peut demander une protection (assurance-vie, actifs en héritage) en cas de décès de celui qui paie la pension alimentaire.

Quand votre divorce enrichit la RRQ

Les couples qui divorcent peuvent perdre au change en divisant leurs rentes de la Régie des rentes du Québec.

Pour ne pas pénaliser les femmes qui ont mis leur carrière de côté pour élever leurs enfants, la RRQ exclut du calcul de la rente les années où la mère a reçu des allocations familiales. En cas de divorce, cela brouille les cartes.

Prenons un homme qui reçoit 600$ par mois, et sa femme 438$, pour un total de 1038$. Après le partage, le mari recevra 368$ et sa femme 499$, pour un total de 867$. Le couple a perdu 171$ par mois dans l'équation. «C'est choquant», dit Carolyn Martel.

Avant de partager les rentes, il faut demander une simulation à la RRQ. Dans certains cas, il est préférable de ne pas partager la RRQ. Il vaut mieux compenser en partageant d'autres actifs, après avoir déterminé la part qui reviendrait au conjoint.