L'économie canadienne a traversé un passage à vide au printemps, provoqué par la chute des exportations. Mince consolation, elle a retrouvé un peu d'allant en juin, gage d'un avenir plus dynamique.

Le produit intérieur brut (PIB) réel, qui mesure la taille de l'économie exprimée en volumes, s'est contracté de 0,4% d'avril à juin, en rythme annuel. Il s'agit du premier trimestre de décroissance depuis le début du présent cycle économique amorcé durant l'été 2009, a indiqué hier Statistique Canada.

Cette contreperformance est largement due à des facteurs temporaires comme les feux de forêt albertains et les séismes japonais qui ont perturbé les livraisons d'hydrocarbures, de voitures et de pièces vers les États-Unis. Elle contraste avec la robuste expansion de 3,6% (initialement mesurée à 3,9%) du premier trimestre.

De janvier à juin, l'économie canadienne a crû néanmoins de 1,6% en rythme annuel, ce qui demeure deux fois mieux que celle des États-Unis qui a pourtant progressé de 1% au printemps. Seul le Japon a fait pire que le Canada parmi le G7, d'avril à juin, pour les raisons tragiques que l'on sait.

Exprimé en dollars d'aujourd'hui, le PIB, dit nominal, a plutôt progressé de 2,0%, à la faveur des prix élevés des produits de base. Il a atteint 1700 milliards de dollars et dépasse pour la première fois le sommet d'avant la récession. En un an, sa progression est de 5,6% et sera de nature à rassurer le ministre des Finances Jim Flaherty. Le PIB nominal est la meilleure mesure de l'évolution de l'assiette fiscale.

M. Flaherty a néanmoins choisi de les commenter sur un ton prudent. «L'économie canadienne demeure très fragile, a-t-il indiqué en visite à l'Université Ryerson. L'économie mondiale a été faible ces derniers mois, et, en tant que nation commerçante, nous devons reconnaître que les perturbations qui surviennent à l'étranger auront inévitablement une incidence sur notre économie.»

Force du huard

Même si les prévisionnistes s'attendaient plutôt à du surplace de notre PIB réel, les données détaillées ne les ont pas déçus. Le dollar canadien s'est même apprécié quelque peu face au billet vert après leur publication.

À lui seul, le commerce extérieur aura retranché 5,7 points de pourcentage au PIB réel à la faveur d'une plongée de 8,3% des volumes d'exportations et d'une poussée de 10,0% des importations, signe évident de la force du huard. «Cela s'est traduit par un recul de 3,5% de la production manufacturière et de 8,8% dans les activités d'extraction minière, gazière et pétrolière en chiffres annualisés», estiment Krishen Rangasamy et Matthieu Arseneau, de la Banque Nationale.

Si on fait abstraction des exportations nettes et des variations de stocks, la demande intérieure finale a progressé de 3,0%, soit davantage que l'avancée de 1,8% de janvier à mars.

La consommation s'est redressée, passant de -0,1% à 1,6%, le même rythme que pour les dépenses gouvernementales. L'apport du logement a certes beaucoup ralenti, mais la résilience des investissements des entreprises est gage de progrès. Ils ont progressé de 15,5%, en hausse de plus de 10% pour un quatrième trimestre d'affilée. Ils ont finalement rejoint leur sommet d'avant récession.

«Le portrait de la demande intérieure suggère que, mis à part les exportations, l'économie reste plutôt en santé, analyse Rudy Narvas, économiste de Société Générale, basé à New York. Dès que les éléments temporaires qui ont entravé la croissance au deuxième trimestre auront disparu, la croissance devrait être décente.»

Dès juin, l'économie redonnait signe de vie. Mesuré par industrie, le PIB réel a progressé de 0,2%, grâce surtout à la poussée des activités d'extraction, de construction et de commerce de détail. En usines, la production a cependant reculé pour un troisième mois d'affilée, comme l'avait présagé le repli des ventes des manufacturiers et des exportations.

Les données trimestrielles montrent aussi une augmentation des stocks de l'ordre de 19,2 milliards, une somme considérable.

Deux conséquences sont possibles. «La production et l'emploi vont en faire les frais au cours des prochains mois, car les entreprises vont chercher à réduire leurs stocks», s'inquiète Derek Holt, vice-président de Scotia Capitaux. «Dans une économie ouverte comme celle du Canada, des augmentations de stocks sont souvent associées à des biens importés (qui ne font pas partie du calcul du PIB), nuance Avery Shenfeld, économiste en chef chez CIBC. Dans ce cas-ci, plus de la moitié de l'accumulation est dans le secteur manufacturier, dont une partie représente sans doute des intrants du secteur automobile.»