Le 1er septembre prochain, c'est la fin du signal analogique gratuit à la télé. Les chaînes gratuites comme Radio-Canada, TVA et V passeront au signal numérique dans les grandes villes du pays. Ce changement signifie la mort des téléviseurs à «oreilles de lapin», à moins que l'on dispose d'un syntoniseur numérique. Portrait d'une petite révolution de la télé qui se fera en douceur, espère-t-on dans l'industrie.

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L'industrie de la télévision s'attend à une mort en douceur des «oreilles de lapin» à la fin du mois.

Sur le coup de minuit le 1er septembre, 80% du pays passera de la technologie analogique au numérique, un signal de meilleure qualité pour les téléspectateurs et plus léger pour les distributeurs. Les téléviseurs analogiques munis d'antennes (ou, comme on dit communément, d'«oreilles de lapin») devront être munis d'un convertisseur numérique pour continuer à capter gratuitement les chaînes généralistes comme Radio-Canada, TVA, V et Télé-Québec. Les abonnés au câble et à la télé par satellite ne sont pas touchés par le passage au numérique.

«La télévision gratuite va rester. Il suffit d'installer un convertisseur numérique», dit Chaouki Dakdouki, directeur de la radiodiffusion et des télécommunications de Patrimoine canadien.

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France Lalonde est au nombre des téléspectateurs «occasionnels» qui devront se procurer un convertisseur numérique - le terme exact est plutôt syntoniseur numérique ou syntonisateur - d'ici à la fin du mois pour prolonger la vie de ses «oreilles de lapin». «Je l'achèterai quand j'aurai le temps, peut-être seulement en septembre, dit l'employée du collège Édouard-Montpetit. Sauf quand je suis en vacances, je ne regarde presque pas la télé.»

Selon le CRTC, quelque 850 000 ménages (soit 7% des foyers canadiens) ne sont pas abonnés au câble ou à la télé par satellite. Pourquoi doivent-ils passer du signal analogique au numérique? Pour libérer du spectre sur la bande passante, mais aussi pour améliorer la qualité de l'image à l'écran. «L'image numérique est presque parfaite. On n'aura plus de neige à l'écran», dit Chaouki Dakdouki. De plus, la technologie analogique devient de plus en plus désuète chez les fabricants de téléviseurs et d'équipements de diffusion.

Si le signal numérique gagne en qualité, il couvre toutefois moins de territoire. Résultat: le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) s'attend à ce qu'environ 17 500 foyers ne puissent capter le nouveau signal numérique. «Très peu de gens perdront leur service au Québec», dit Scott Hutton, directeur de la radiodiffusion du CRTC. Ces orphelins du petit écran pourront profiter d'un programme de branchement par satellite offert gratuitement par Shaw, qui a dû se plier à cette condition imposée par le CRTC pour obtenir l'autorisation d'acheter les chaînes de télé de Global. Shaw branchera gratuitement jusqu'à 31 500 foyers, à la condition qu'ils n'aient pas été abonnés au câble ou à la télé satellite depuis trois mois.

Il y a deux ans, les Américains ont vécu la même révolution numérique du petit écran. À une différence près: le gouvernement fédéral américain a offert aux consommateurs jusqu'à deux bons de réduction de 40$ par foyer pour acheter des syntoniseurs numériques. Au Canada, le gouvernement fédéral n'a pas jugé bon de subventionner l'achat de ces appareils. Le président du CRTC, Konrad von Finckenstein, avait d'abord suggéré au gouvernement de le faire avant de changer d'idée. «Nous avons pris cette décision en raison du prix du syntonisateur (de 30 à 100$), de la proportion de gens touchés et des expériences passées qui ont démontré que l'efficacité d'un tel programme n'est pas assurée», dit Chaouki Dakdouki.

L'Union des consommateurs déplore cette décision du gouvernement: «Beaucoup de gens qui ont des télés avec des oreilles de lapin sont des gens à faible revenu, plus vulnérables, pour qui un convertisseur de 50$ à 90$ représente une dépense importante, dit Anthony Hémond, avocat et analyste en télécommunications à l'Union des consommateurs. De plus, le passage au numérique libérera des fréquences qui seront mises aux enchères. La dernière fois que le gouvernement a fait des enchères, elles lui ont rapporté 4,2 milliards de dollars. Les fréquences qui seront libérées par le passage au numérique seront très intéressantes pour les entreprises de télécommunications, car elles couvrent de larges distances et vont dans les maisons. Pour des appareils gourmands comme les téléphones intelligents, c'est très intéressant.»

Le signal analogique gratuit ne disparaîtra pas complètement du paysage télévisuel canadien le mois prochain. Environ 80% des téléspectateurs, ceux des grandes villes et des capitales provinciales, passeront obligatoirement à la télé numérique. Dans les régions moins populeuses, ce n'est pas obligatoire.

Au Québec, le passage au numérique est obligatoire dans les régions de Montréal, Québec, Trois-Rivières, Sherbrooke, Rivière-du-Loup, Saguenay, Gatineau et Rouyn-Noranda-Val-d'Or. D'autres régions comme Mont-Tremblant, la Gaspésie et la Côte-Nord continueront d'utiliser le signal analogique. Donc, pas besoin de syntoniseur dans ces régions.

Il y a toutefois quelques exceptions. La plus importante? Radio-Canada a obtenu un sursis d'un an pour sa chaîne anglophone CBC, qui continuera de diffuser un signal analogique dans les régions de Québec, Sherbrooke, Trois-Rivières et Chicoutimi.

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DES OREILLES DE LAPIN QUI SURVIVRONT

Toutes les télés munies d'oreilles de lapin ne cesseront pas de fonctionner le 1er septembre. Seules les télés analogiques rendront l'âme dans les régions qui passeront au numérique (Montréal, Québec, Trois-Rivières, Sherbrooke, Rivière-du-Loup, Saguenay, Gatineau et Rouyn-Noranda-Val-d'Or). Les télés numériques continueront de fonctionner. La clé? Savoir si le téléviseur est muni d'un syntoniseur numérique intégré. «Les écrans plats en ont presque tous un», résume Scott Hutton, directeur de la radiodiffusion du CRTC. Dans les régions qui ne passeront pas au numérique, les télés analogiques à oreilles de lapin continueront de fonctionner.