À moins de trois mois et demi de la date obligatoire d'implantation des modules d'enregistrement des ventes (MEV) dans les restaurants du Québec, 10 000 établissements ne se sont toujours pas conformés à la nouvelle loi.

À compter du 1er novembre, les amendes seront salées pour les restaurateurs qui résistent ou qui tardent. Sur le site de Revenu Québec, on parle de pénalités de 300$ et d'amendes de 2000$ à 10 0000$ dépendant de l'infraction.

Avec ce système de production obligatoire de factures, Revenu Québec espère contrer l'évasion fiscale dans le secteur de la restauration et estime qu'elle récupérera plus de 300 millions de dollars par année. Jusqu'à présent, près de 20 000 MEV ont été installés dans plus de 11 800 restaurants de la province qui en compte quelque 21 000.

Plusieurs restaurateurs ont réagi rapidement. «Dès que les MEV, fabriqués par IBM, ont été disponibles, on a commencé à les installer chez nos clients, explique Luc Girard, président de POS Terminal 2000. Mais le frein au déploiement, c'est la mise à jour des systèmes. Ça peut coûter de 15 000$ à 20 000$ pour changer un système, ajouter trois ou quatre caisses pour certains restaurants.»

Parlez-en à Normand Beauchamp, du casse-croûte Madame Patate, de Sainte-Marcelline-de-Kildare! «J'ai le resto depuis cinq ans, raconte le propriétaire qui s'est conformé en mars dernier. J'ai remplacé la caisse dès mon arrivée. Mais j'ai dû l'enlever et en acheter une autre, car elle n'était pas compatible.»

«Ça nous a facilité la procédure de commandes, raconte pour sa part Philippe Brunet, propriétaire de la Binerie Mont-Royal, à Montréal, qui s'est aussi conformé au printemps. Avant, on faisait tout à la main. Maintenant, on a une imprimante pour la cuisine. Mais on a été obligé de dépenser 2500$ et de changer la caisse.»

Comme incitatif, Revenu Québec accordait une subvention équivalant à 80% des dépenses liées à l'implantation des MEV avant le 1er mai, à la réception d'un formulaire dûment rempli. Depuis, la subvention est réduite de moitié. «Je l'attends encore, note Normand Beauchamp. J'ai appelé Revenu Québec quelques fois. On me dit que c'est en traitement.»

Faillites

C'est que le printemps a été fort occupé pour ceux qui sont engagés de près ou de loin dans l'implantation des systèmes. «Il y a eu une baisse radicale des installations après le 1er juin, note Luc Girard. Mais, en avril et mai, on en a installé sept jours sur sept. Ceux qui ne l'ont pas fait veulent maintenant attendre à l'automne, mais ils vont avoir une surprise. Il a fallu 10 mois pour l'installation dans la moitié des restaurants et il ne reste que trois mois pour l'autre moitié.»

Des fermetures de restaurants sont à prévoir. Déjà, certains attribuent le nombre plus élevé de faillites cette année (75 lors des quatre premiers mois de 2011, soit une augmentation de 23% par rapport à 2010) à l'obligation de remise de facture universelle et aux coûts qui découlent de l'implantation des nouveaux systèmes. «Cette hausse de 23%, ce n'est même pas 14 restos, dit toutefois François Meunier, vice-président, affaires publiques de l'Association des restaurateurs du Québec (ARQ). Attribuer au MEV les faillites, c'est exagéré. Cela dit, certains restos sont fragiles. Ils ne peuvent emprunter pour acheter l'équipement.»

«C'est difficile pour le milieu de la restauration présentement, ajoute Luc Girard. Beaucoup attendent de passer l'été, même si le MEV est subventionné. Certains n'ont pas l'argent pour l'acheter avant d'avoir la subvention.»

Est-ce un hasard? Le propriétaire de Casse-croute Madame Patate remarque que plusieurs cabanes à sucre dans sa région ont fermé leurs portes cette année. «Cette mesure de Revenu Québec fait peur à bien des gens», note Normand Beauchamp.

Jusqu'à présent, la majorité des 4300 établissements membres de l'ARQ se sont conformées. «Il reste de petits restos, des saisonniers et certaines grandes chaînes qui n'ont pas complété l'installation», dit François Meunier.