L'entreprise taïwanaise Advanced Lithium Electrochemistry (ALEEES) promet d'ouvrir une usine de phosphate de fer lithié au Québec dans le cadre d'un accord annoncé lundi par Hydro-Québec et l'Université de Montréal, codétenteurs des brevets de ce matériau novateur utilisé dans la fabrication de batteries rechargeables.

De concert avec le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) de France, qui est également copropriétaire des brevets, les deux institutions québécoises ont convenu de vendre des sous-licences de production de phosphate de fer lithié à diverses entreprises «afin de favoriser la diffusion de cette technologie».

Jusqu'ici, Süd-Chemie était le seul fabricant autorisé de phosphate de fer lithié dans le monde. L'entreprise allemande vient d'ailleurs d'inaugurer une usine à cette fin à Candiac, au sud de Montréal, où elle compte effectuer le tiers de la production mondiale de phosphate de fer lithié.

Les premiers contrats de sous-licence ont été conclus avec les entreprises japonaises Sumitomo Osaka Cement et Mitsui Engineering & Shipbuilding ainsi qu'avec les sociétés taïwanaises Tatung Fine Chemicals et ALEEES.

Dans un communiqué publié lundi, on précise que la nouvelle filiale de Süd-Chemie chargée de commercialiser le phosphate de fer lithié, LiFePO4+C Licensing, concédera d'autres sous-licences «à un nombre limité de sociétés».

Il a été impossible d'en savoir plus, lundi, sur le projet d'usine d'ALEEES. Ni Hydro-Québec ni l'entreprise taïwanaise n'ont pu préciser combien d'emplois créeraient les futures installations, pas plus que l'échéancier prévu.

En plus de Süd-Chemie et des nouveaux sous-licenciés, la multinationale japonaise Sony possède une licence de fabrication de phosphate de fer lithié pour sa propre production de batteries.

Le député péquiste de La Prairie, François Rebello, s'est réjoui de l'intention d'ALEEES d'ouvrir une usine au Québec, mais a dit espérer que ça ne soit qu'un début.

«L'occasion qu'on a est unique, a-t-il affirmé au cours d'un entretien téléphonique. On contrôle une technologie qui est vraiment celle qui a gagné le combat, alors il faut qu'on bâtisse là-dessus une industrie et non pas seulement vendre des licences pour gagner quelques millions. Ça n'a pas de bon sens. Il faut qu'on s'en serve comme levier pour développer la filière. Je suis content de voir qu'il y a un premier geste qui est posé, mais je m'attends à ce que le gouvernement exige la même chose des Japonais (et de l'autre entreprise taïwanaise).»

Le député a par ailleurs déploré qu'aucun groupe chinois n'ait acquis, à ce jour, de sous-licences pour le phosphate de fer lithié, soulignant que le géant asiatique allait jouer un grand rôle dans le développement des batteries rechargeables et des voitures électriques.

En mars, François Rebello a rendu publique une lettre dans laquelle le président du géant chinois Beijing Automotive Group se montrait intéressé à investir dans une usine de phosphate de fer lithié au Québec.

Au moment où Hydro et ses partenaires ont décidé de commercialiser leurs brevets sur le phosphate de fer lithié, une clause contractuelle prévoyait que 30 pour cent de la production mondiale du matériau devait être effectuée au Québec.

Le gouvernement a toutefois refusé de reconduire cette disposition, soutenant qu'imposer trop de contraintes risquait de compromettre le succès commercial du phosphate de fer lithié. Un tel matériau innovant doit être adopté par plusieurs fabricants, sans quoi il risque de se marginaliser, a déjà expliqué un porte-parole de Süd-Chemie.

La technologie du phosphate de métal lithié a été mise au point par le professeur John Goodenough, de l'Université du Texas à Austin. Son potentiel a d'abord été reconnu par le Français Michel Armand, qui a par la suite perfectionné la découverte avec Nathalie Ravet, de l'Université de Montréal, et Michel Gauthier, du Centre de recherche d'Hydro-Québec.

La demande pour le phosphate de fer lithié pourrait croître en flèche au cours des prochaines années avec la multiplication des voitures électriques.