Alors que Totem, le spectacle du Cirque du Soleil, s'installe dans le Vieux-Port, les ingénieurs québécois spécialisés en arts de la scène ont du pain sur la planche. Depuis 10 ans, ce secteur méconnu du génie se développe afin de répondre aux besoins des spectacles où la technologie occupe une place importante.

Pierre Rodrigue, directeur projets scénographiques chez GENIVAR, a été l'un des premiers Québécois à développer ce savoir-faire assez rare sur la planète. «Le développement de l'industrie des arts de la scène, avec le Cirque du Soleil, les projets de Robert Lepage et les multiples festivals qui ont grandi au Québec au fil des ans, a créé une demande pour des ingénieurs spécialisés capables de trouver des solutions techniques qui rendent possibles les idées des créateurs», dit-il.

Les arts de la scène ont également favorisé l'éclosion d'une grappe d'entreprises québécoises permettant de concrétiser les nombreux projets artistiques. Elles sont surtout présentes dans la grande région de Montréal.

Parmi celles-ci mentionnons Scène Éthique, à Varennes, et Show Canada, à Laval, qui se spécialisent dans la conception et la fabrication de dispositifs scéniques et de machinerie; ou encore Sablage 2000, à Boisbriand, qui compte une division de peinture destinée à l'industrie du spectacle. Dans la région de Québec, Arcofab fabrique des structures métalliques pour la scène.

«Si l'on compare à ce qui se fait ailleurs dans le monde, c'est assez unique ce qui se passe ici. On peut dire qu'on est en train de devenir des leaders dans le domaine et, pour avoir vu ce qui se fait ailleurs, je peux vous dire que nos entreprises font de la grande qualité», dit Benoit Hotte, ingénieur chez SGS, multinationale spécialisée en inspection et en vérification qui a des bureaux à Montréal.

L'équipe montréalaise de M. Hotte est responsable, entre autres, d'inspecter les équipements métalliques du Cirque du Soleil partout dans le monde entre les tournées pour détecter toute anomalie susceptible de menacer la sécurité des artistes ou du public.

«Après le tremblement de terre au Japon, nous sommes allés vérifier les installations de Kooza avant que le spectacle soit remis en marche», dit-il.

Pour sa part, Pierre Rodrigue est venu avec son équipe inspecter les structures du Cirque du Soleil dans le Vieux-Port afin de s'assurer qu'elles soient sécuritaires et conformes. Mais l'inspection ne représente qu'une partie de son travail, qui touche aussi le contrôle de la fabrication et le soutien à la création.

C'est lui qui, notamment, était chargé de projet pour les équipements acrobatiques du spectacle Viva Elvis du Cirque du Soleil à Las Vegas. Il a aussi réalisé la conception technique de la fameuse «machine» de Robert Lepage pour le cycle «The Ring» au Metropolitan Opera de New York, sur laquelle il a travaillé pendant un an, avec ses collaborateurs.

«Chaque projet est hors du commun, dit-il. Les créateurs arrivent toujours avec des éléments nouveaux qui posent des défis aux ingénieurs. À l'inverse, plus on repousse les limites technologiques, plus cela nourrit les créateurs et les encourage à aller plus loin.»