Les entreprises ont relayé les ménages comme moteur de la croissance économique l'hiver dernier.

Profitant d'une hausse de 22,1% de leurs profits en rythme annuel, qui s'ajoutait au bond de 43,0% de l'automne, elles ont augmenté de 15,4% leurs investissements en machines et équipement et ajouté 10,7 milliards de dollars à la valeur de leurs stocks.

Bref, elles sont responsables à elles seules de près des trois quarts de la poussée réelle de 3,9% du produit intérieur brut (PIB) du premier trimestre annoncée hier par Statistique Canada. Ce gain fait suite à celui de 3,1% (d'abord calculé à 3,3%) de l'automne. Il se compare avantageusement à la maigre avancée américaine de 1,8%.

L'autre élément de croissance durant l'hiver aura été l'investissement résidentiel (9,4%). Bon nombre d'acheteurs ont devancé leur décision avant l'entrée en vigueur le 18 mars de nouvelles normes plus restrictives pour les prêts hypothécaires. «Étant donné les mesures mises en place par le gouvernement fédéral afin de freiner le marché immobilier, il serait toutefois étonnant qu'une telle hausse soit de nouveau observée dans les trimestres à venir», remarque Benoit P. Durocher, économiste principal chez Desjardins.

Les dépenses de consommation des ménages et celles des gouvernements ont fort peu augmenté, tandis que le commerce extérieur a freiné la croissance, puisque les volumes d'importations ont crû davantage que ceux des exportations.

La progression d'à peine 0,2% de la consommation des ménages est la plus faible depuis la récession. Elle s'explique en bonne partie par le surplace du revenu personnel disponible, par la montée des prix de l'essence et des aliments et peut-être aussi par les intempéries qui n'incitaient pas à la fréquentation des magasins. «Quoi qu'il en soit, vu la bonne tenue du marché du travail jusqu'ici au deuxième trimestre, nous prévoyons un rebond de la consommation qui compensera une réduction imminente des stocks», affirment Stéfane Marion et Matthieu Arseneau, de la Banque Nationale.

Le déstockage dans l'industrie automobile est hautement probable étant donné les ruptures de chaînes d'approvisionnement originaires du Japon, par suite du tremblement de terre et du tsunami, en mars.

La relance de la consommation ne fait pas l'unanimité, cependant, étant donné l'endettement des ménages et la cherté de certains biens essentiels qui amputent le budget des dépenses discrétionnaires. «Les résultats du premier trimestre indiquent clairement que la reprise mue par le consommateur a fait sont temps», opine Douglas Porter, économiste en chef délégué chez BMO Marchés des capitaux.

Les catastrophes nippones auront fait chuter la production d'automobiles en avril et en mai. Aucune autre industrie ne paraît avoir été en mesure de compenser ce repli forcé.

Néanmoins, le deuxième trimestre a été amorcé avec un certain élan. Le PIB réel par industrie a en effet progressé de 0,3% en mars, alors que le recul de février a été ramené de 0,2% à 0,1% seulement par l'agence fédérale. En mars, l'expansion a surtout été assurée par la fabrication, les services publics, la construction, le transport et l'entreposage. En revanche, les ventes au détail ont chuté de 1%, tandis que les services d'intermédiation financière et immobilière ont fléchi pour une rare fois.

Le ralentissement observé de l'économie américaine depuis le début de l'année aura sans doute eu aussi ses effets sur l'économie canadienne durant le printemps. La plupart des économistes s'attendent à ce que la croissance n'aura pu que difficilement franchir le rythme de 2% durant avril, mai et juin. Cela dit, le Canada est bel et bien entré dans une phase d'expansion. À la fin du premier trimestre, le PIB réel, qui donne la mesure la plus fidèle de la taille de l'économie, était de 2% plus élevé que le plafond atteint avant la récession. Il s'élevait à 1361,8 milliards de dollars constants (2002) et était en hausse de 2,8% par rapport au premier trimestre de 2010.

Exprimé en dollars d'aujourd'hui, le PIB dit nominal s'élevait à 1696,7 milliards, en hausse de 8,7% en rythme annuel. Il s'agit du deuxième sommet trimestriel d'affilée.

La progression beaucoup plus rapide du PIB nominal explique en bonne partie pourquoi le déficit fédéral de l'exercice 2010-2011 a été moins élevé que ce que le ministre des Finances, Jim Flaherty, avait estimé dans son budget déposé en mars. L'administration Obama n'a pas cette chance. Le PIB nominal américain a progressé de 3,5% seulement.