Il n'y a pas qu'à la pompe que les prix grimpent et que le portefeuille s'amincit.

De février à mars, les prix des aliments ont monté en moyenne de 1,6%, ceux de l'habillement de 2,1%, du transport de 0,6%, des loisirs ou des dépenses courantes des ménages, de 0,5%. Bref, sur une base désaisonnalisée, l'ensemble des prix et des services ont bondi de 0,8%, poussant le taux annuel d'inflation à 3,3%, indiquait hier Statistique Canada. Il s'agit du taux le plus élevé depuis septembre 2008.

Les prévisionnistes s'attendaient à un rebond technique de l'inflation, compte tenu de sa faiblesse en février. Elle était attribuable à la disparition de février 2010 dans son calcul, marqué par la poussée des prix d'hébergement à cause des Jeux olympiques de Vancouver.

L'ampleur du rebond a cependant créé une surprise et provoqué une appréciation de plus d'un demi-cent du huard face au billet vert, dans les minutes suivant la publication des données.

Si on annualise la progression des trois derniers mois, on obtient un taux d'inflation de 4,5%, soit bien au-delà de la zone de confort et de la projection faite par la Banque du Canada la semaine dernière.

On peut arguer que mars est l'effet miroir de février et que tout devrait rentrer dans l'ordre ce mois-ci. C'est cependant oublier que le prix de l'essence a encore augmenté de 6% jusqu'ici en avril et qu'il commence à faire ses ravages ailleurs: dans le transport aérien où des primes de carburant sont rétablies, dans les loyers, car les propriétaires peuvent prétexter la hausse de leur facture de chauffage.

Ce qui étonne peut-être le plus dans les données de mars, c'est le bond mensuel de 2,1% (non désaisonnalisé) du prix des vêtements qui semble suggérer que la force du huard n'atténue pas le choc de la flambée des prix des commodités comme le coton.

Si on exclut les aliments et l'énergie, le rythme annuel d'inflation s'établit à 2,1%. Si on considère seulement les services, elle s'élève à 2,9%, seulement les biens à 3,7%.

Bref, les prix grimpent un peu partout, à l'exception du gaz naturel et des intérêts hypothécaires, lesquels paraissent en sursis étant donné que la pression s'intensifie sur les autorités monétaires pour normaliser le taux directeur.

L'indice de référence de la Banque du Canada (IPCX) n'échappe pas à cette tendance. Il a bondi de 0,5%, sur une base désaisonnalisée, et son rythme annuel est passé de 0,9% à 1,7% en un mois. Au cours des trois derniers mois, son rythme annualisé atteint 2,1%. La semaine dernière, la Banque prévoyait un taux annuel de 1,2% pour le premier trimestre.

«Le creux cyclique de l'IPCX est donc derrière nous, soulignent Stéfane Marion et Yanick Desnoyers, de la Banque Nationale. La Banque du Canada a décrit le Canada comme une économie caractérisée par «une offre excédentaire notable». À la lumière des données sur l'inflation (de mars), cela semble exagéré.»

Selon son nouveau scénario, la Banque prévoit que l'économie canadienne tournera à pleine capacité le printemps prochain et que le taux d'inflation devrait se situer alors aux environs de 2%.

C'est à ce moment que son taux directeur, fixé à 1% depuis septembre, devra être normalisé, c'est-à-dire majoré au-delà de 2% pour refléter un taux réel positif.

«Le rapport de mars va faire pression sur la Banque pour qu'elle normalise son taux à un taux bien plus élevé que les attentes des marchés», souligne pour sa part Sheryl King, économiste chez Bank of America Merrill Lynch. Elle prévoit que l'IPCX grimpera à 2,4% dès l'automne, puisqu'il paraît impossible que la force du huard parvienne à contenir la poussée des prix des biens importés.

Comme d'autres économistes, elle estime que l'économie canadienne fonctionne déjà presque à pleine capacité ce qui exerce des pressions sur les prix.

D'autres économistes partagent cependant les vues de la Banque selon qui il reste encore passablement de capacités inutilisées dans l'économie, ce qui limite les pressions sur les prix et sur les salaires.

Avant la prochaine date de fixation de son taux directeur, le 31 mai, la Banque aura pu diriger les données de l'inflation en avril.

En attendant, elle tient déjà compte que l'indicateur avancé de Statistique Canada progressait pour le sixième mois d'affilée en mars avec un gain appréciable de 0,8%.