Résignés après deux ans en lock-out, les employés du Journal de Montréal acceptent la proposition du médiateur.

Les employés du Journal de Montréal se sont finalement résignés, plusieurs à contrecoeur, afin de ne pas vivre le 765e jour du lock-out, le plus long de l'histoire des médias canadiens.

C'est ainsi que la dernière offre de Quebecor [[|ticker sym='T.QBR.B'|]] a été acceptée dans une proportion de 64,1% par les syndiqués présents à l'assemblée tenue samedi, au Palais des congrès de Montréal.

L'entente s'étend une période de cinq ans et permettra à 62 employés à temps plein et à un employé à temps partiel (sur 225) de conserver leur poste. Plus de 70% des employés perdent donc leur emploi.

Les visages des travailleurs trahissaient leur tristesse et leur frustration, mais aussi, chez plusieurs, un certain soulagement de voir se refermer ce dur chapitre de leur carrière.

Les représentants du Syndicat des travailleurs de l'information du Journal de Montréal (STIJM) n'ont d'ailleurs pas caché leur déception et ont reconnu une «victoire patronale» lors d'un point de presse.

«Ces gens-là se sont battus, beaucoup. Ils ont fait plus que la normale, plus que nature», a affirmé Raynald Leblanc, président du STIJM, la gorge nouée par l'émotion. «Aujourd'hui, ils ont décidé ensemble de retrouver leur vie.»

En octobre, les syndiqués avaient rejeté à 89,3% l'offre soumise par Quebecor. Les pourparlers avaient repris au cours des dernières semaines sous l'égide d'un médiateur.

Quebecor a rapidement exprimé, au moyen d'un laconique communiqué, sa satisfaction au sujet de l'issue du conflit.

Frustration et désarroi chez les jeunes

Plusieurs jeunes journalistes ont laissé éclater au grand jour leur frustration et leur désarroi devant cette décision de l'assemblée. Ils ont appris les résultats du vote par l'entremise des médias plutôt que par leurs représentants syndicaux.

«La CSN nous a enfoncé une proposition dans la gorge et, en plus, ils ont eu l'outrecuidance de l'annoncer aux médias avant que nous ayons les résultats», a dénoncé le journaliste Martin Bisaillon.

Son collègue Martin Leclerc, lui-même un ancien président du STIJM, était tout aussi mécontent.

«C'est une capitulation totale, c'est une honte à mon sens de sabrer comme ça la qualité de l'information, la qualité de travail des journalistes», a-t-il affirmé.

Si Raynald Leblanc était visiblement insatisfait de l'entente conclue, il a expliqué aux journalistes réunis qu'il s'agissait de la dernière option possible. «On a frappé un mur. On ne voit pas comment on pourrait aller chercher plus, ni dans combien de temps», a-t-il dit.

«La seule façon de se sortir de ce conflit-là, qui dure depuis beaucoup trop longtemps déjà, c'était de recommander son acceptation, pour faire en sorte que nos membres arrêtent de souffrir.»

Si tous ont refusé de parler d'un conflit entre générations, ou entre employés administratifs et journalistes, plusieurs ont reconnu que le vote de ceux qui s'approchaient de leur retraite a pu faire pencher la balance.

«Ça fait quand même deux ans que le conflit perdure. Il y a des gens qui sont sur le bord de la retraite. On leur a fait une offre au mois d'octobre et ils ont décidé d'être derrière les plus jeunes, derrière Rue Frontenac. Je comprends qu'ils commencent à s'impatienter, c'est un conflit de travail très dur», a laissé tomber la journaliste Valérie Dufour.

«Ils veulent faire un trait sur ce bout-là de leur carrière et prendre une retraite honorable et je les comprends tout à fait», a-t-elle conclu.

«Malheureusement, il y a des gens qui étaient tout simplement à bout, et qui sont prêts à accepter dans ces conditions-là des choses qui sont tout à fait inacceptables», a déploré Jessica Nadeau.

Le retour au travail doit faire l'objet d'une autre entente entre l'employeur et le syndicat. Selon M. Leblanc, un délai allant de quelques jours à quelques semaines sera nécessaire avant que certains employés retrouvent leur pupitre.

Rue Frontenac, une bouée de sauvetage

Plusieurs lock-outés ont soutenu que le site internet RueFrontenac.com et l'hebdomadaire Rue Frontenac, nés de ce conflit de travail, étaient là pour rester. Et pour plusieurs journalistes, le fait que Quebecor ne demande pas leur fermeture représente le principal gain de cette nouvelle proposition.

«C'est notre bébé. On va tout faire pour que ça se poursuive», a lancé Jessica Nadeau.

Dans l'offre soumise samedi, l'employeur proposait en effet d'imprimer et de diffuser le journal pendant un certain temps.

L'employeur a également laissé tomber la clause de non-concurrence, une disposition controversée qui figurait dans l'offre patronale d'octobre dernier.

Quant au total prévu pour les indemnités de départ, il serait d'environ 20 millions. Cette somme sera répartie au choix du syndicat.

La CSN sur la défensive

À la sortie de l'assemblée syndicale, plusieurs avaient l'impression que la CSN les avait laissés tomber. Interrogée à ce propos, la présidente de la centrale, Claudette Carbonneau, a soutenu hier que «tout a été fait» pour soutenir les syndiqués, citant l'injection de 7 millions de dollars par la CSN, les campagnes d'information, les appels au boycottage, les publicités et les manifestations. Affirmant d'emblée que ce n'était «clairement pas» le type de convention collective souhaitée par tous, elle a néanmoins souligné qu'elle avait été entérinée par les deux tiers des travailleurs présents.

Elle a aussi longuement énuméré les gains faits depuis la dernière offre patronale en octobre, dont le nombre d'employés rappelés au travail - 62 plutôt que 49 - et les indemnités de départ, «les plus importantes qui n'ont jamais été versées par Quebecor».

Claudette Carbonneau a également assuré que la centrale aurait continué à soutenir les syndiqués si telle avait été leur volonté.

Finalement, Mme Carbonneau a affirmé que son syndicat poursuivra la lutte sur la modernisation de la loi anti-briseurs de grève, un enjeu «majeur» dans le conflit.