Qui l'eût cru? Le Québec qui a été parmi les moins touchés au Canada par la grande récession a peut-être rechuté en décroissance en seconde moitié de 2010.

Le produit intérieur brut (PIB) réel a reculé pour la troisième fois en quatre mois en octobre, indiquait hier l'Institut de la statistique du Québec (ISQ). Le léger recul de 0,1% fait suite à celui beaucoup plus sévère de 0,4% en septembre, annoncé une première fois à 0,3%. En juillet, l'activité économique s'était aussi repliée de 0,4%. Pour l'ensemble du trimestre, l'économie s'était contractée de 0,4%, alors qu'elle a crû de 1,0%, d'un océan à l'autre.

«Un rattrapage important sera nécessaire pour ramener le PIB réel en territoire positif pour le dernier trimestre de 2010», affirme Hélène Bégin, économiste principale chez Desjardins. Mme Bégin croit qu'il est trop tôt pour laisser planer le sceptre d'une récession, alléguant que l'ISQ procède à de fréquentes révisions. L'institution lévisienne croit que ce passage à vide sera de courte durée. C'est du moins ce qu'indique son indice précurseur qui s'est redressé au cours des deux derniers mois.

Pas assez cependant pour écarter tout risque de récession technique qui consiste en deux trimestres de croissance négative d'affilée. Entre les récessions de 1990-1992 et celle de 2008-2009, le Québec en a d'ailleurs connu trois: en 1995, 2001 et 2003.

«Les récessions qu'on apprend après coup font toujours moins mal», note sagement Marc Pinsonneault, économiste principal à la Banque Nationale. Avec les indicateurs jusqu'ici connus, une rechute en récession, qu'ont su éviter le Canada et les États-Unis, n'est pas improbable dans la société distincte.

M. Pinsonneault estime que même une croissance de 0,2% en novembre et décembre ne suffirait pas à rétablir le PIB en territoire positif pour l'ensemble du quatrième trimestre. En octobre, l'économie canadienne était parvenue à un gain de 0,2%, grâce surtout à la reprise de la production pétrolière et gazière, ralentie le mois précédent.

En novembre, le Québec a plutôt vécu la fermeture définitive de la raffinerie Shell.

Cela dit, l'économie québécoise était encore en expansion dans le nouveau cycle économique amorcé à l'été 2009. Avant d'entrer en récession à l'automne 2008, la valeur du PIB réel s'établissait à 249,1 milliards de dollars. Les trois trimestres de récession l'ont fait reculer de 1,3%, à 245 milliards. En octobre, il s'établissait à 253, 08 milliards, précise Réjean Aubé, économiste à l'ISQ.

Après 10 mois en 2010, l'économie affichait une croissance de 3,1% sur la période correspondante de 2009, comparativement à 3,3% pour la croissance canadienne. En octobre, la décroissance est attribuable aux industries productrices de biens qui, ensemble, se sont repliées 0,7%. Le secteur des services a augmenté de 0,2%.

Cela reflète bien la faiblesse des exportations québécoises qui ne se sont pas redressées depuis la récession, alors qu'elles rattrapent un peu du terrain perdu dans l'ensemble du Canada, souligne M. Pinsonneault. Le segment aéronautique y est pour beaucoup, la foresterie aussi. Pour comprendre l'ampleur du déficit commercial du Québec et son effet néfaste sur la croissance, rappelons que le trou s'est creusé de 4,7 milliards au troisième trimestre, poussant l'abîme à 35,1 milliards. Malgré un redressement de 5,9% en novembre, propulsé par les livraisons de dérivés du pétrole (le chant du cygne de Shell?), le volume cumulatif des exportations était en repli de 1,3% au Québec après 11 mois, alors qu'il a rebondi de 8,1% au Canada, précise l'ISQ.