THQ a choisi Montréal afin de réduire ses contrats de sous-traitance en Asie.

L'éditeur américain de jeux vidéo inscrit au NASDAQ a fermé huit de ses dix-sept studios durant la dernière récession, mais il a fait le pari d'en ouvrir un à Montréal. L'objectif est double: produire des jeux vidéo à grand déploiement et rapatrier certains contrats de sous-traitance en Asie.

«Nous voulons avoir une équipe artistique très forte à Montréal qui pourra aider nos autres studios. Nous voulons amener à Montréal une partie du travail sous-traité en Chine et en Malaisie», dit Dave Gatchel, directeur du studio de THQ à Montréal, en entrevue à La Presse Affaires.

THQ s'attend à payer plus cher pour développer ses jeux à Montréal, mais la qualité du produit en vaudra la peine. «Il n'y a pas de décalage horaire, pas de barrière de langue, mais surtout, nous ramenons le travail à l'intérieur de la boîte. Ce sera notre produit et nos équipes seront mieux intégrées. Cette stratégie peut fonctionner à Montréal à cause de cette combinaison unique d'employés talentueux et de crédits d'impôt intéressants», dit M. Gatchel, qui inaugurera son nouveau studio officiellement le 19 octobre.

Pour l'instant, la trentaine d'employés de THQ prêtent leur assistance aux autres studios du groupe pour trois jeux: Homefront, Red Faction Armageddon et Warhammer 40 000 Dark Millenium Online.

Quand il aura 400 employés à sa disposition dans cinq ans, Dave Gatchel voudra produire lui-même des jeux d'action à grand déploiement (les jeux AAA dans le jargon du jeu vidéo). Des projets demandant des investissements considérables - entre 30 et 35 millions de dollars par jeu - et surtout plus risqués. Selon plusieurs observateurs, les jeux à grand déploiement, qui ont fait la gloire de l'industrie au cours de la dernière décennie, deviendront trop coûteux et ne pourront rejoindre les clients sur les nouvelles plateformes comme Facebook, les téléphones portables et les tablettes électroniques.

«Les jeux à grand déploiement sont notre spécialité et nous voulons développer des franchises originales à Montréal, dit Dave Gatchel. Il y aura toujours une place pour les jeux AAA. Ce sera peut-être plus difficile, mais il faut prendre des décisions pour réduire ses coûts.»

Une carrière dans l'industrie militaire

Le Texan de 50 ans est l'homme parfait pour diriger des projets de jeux d'action à grand déploiement. Fils d'un pilote d'avion dans l'armée américaine, Dave Gatchel a passé 12 ans à travailler sur des simulateurs de vols civils et militaires après sa sortie des bancs d'université.

En 1994, ce passionné de jeux vidéo faisait le tour du monde à installer des simulateurs de vols quand son employeur Paradigm a reçu un appel de Nintendo. L'entreprise japonaise voulait développer un jeu de vol pour la sortie du Nintendo 64. «Nous avons failli refuser, se rappelle Dave Gatchel. Nous aimions tous les jeux vidéo, mais nous avions peur de nous éparpiller comme entreprise.»

Finalement, de la douzaine de développeurs indépendants approchés par Nintendo, la firme du Texas sera la seule à livrer son jeu à temps pour la sortie de la console en 1996. Pilotwings 64 deviendra ainsi l'un des deux seuls jeux distribués avec l'achat du Nintendo 64 - et la carte de visite de Dave Gatchel.

Trois ans plus tard, les affaires fonctionnent tellement bien que la firme de Dallas crée une division de jeux vidéo sous la direction de Dave Gatchel, Paradigm Entertainment, qui sera rachetée par Atari puis par THQ en 2006.

Récession oblige, THQ met la clé dans la porte du studio de Dallas en 2008. Une mauvaise nouvelle qui a éventuellement permis à Dave Gatchel de déménager et relever de nouveaux défis à Montréal. «J'ai hâte de vivre dans un centre-ville aussi vibrant. À Dallas, le centre-ville est désert le soir, les gens viennent au bureau en voiture et repartent chez eux en banlieue», dit le patron montréalais de THQ, dont le titre a perdu 34% de sa valeur depuis un an en date de vendredi dernier au NASDAQ.