Pour la deuxième fois en autant de semaines, le gouverneur de la Banque du Canada, Mark Carney, a donné des indices qu'il penche de plus en plus en faveur d'une pause dans la normalisation de son taux directeur.

Dans un discours prononcé à Windsor-Essex sur l'emploi dans une reprise modeste, M. Carney a prévenu que la croissance, qui a ralenti au printemps, allait rester modeste encore plusieurs mois.

Plus tôt, Statistique Canada avait même indiqué que l'économie canadienne avait reculé de 0,1% en juillet, une première en 11 mois. La valeur du produit intérieur brut (PIB) réel mesuré par industrie s'est élevée à 1232,46 milliards de dollars, soit moins que le sommet de 1235,92 milliards de juillet 2008. Bien que la reprise soit avancée, la phase d'expansion ne l'économie n'est donc pas encore vraiment engagée.

La reprise mondiale va ralentir: les pays émergents frôlent la surchauffe, tandis que leurs débouchés américains et européens peinent à relancer leur demande intérieure. «Ces forces rendent les perspectives économiques et le contexte dans lequel sont formulées les politiques publiques inhabituellement difficiles pour les pays coincés au milieu, comme le Canada», a souligné le gouverneur.

Le Canada a mieux fait jusqu'ici en s'appuyant sur la consommation des ménages et sur le marché de l'habitation, deux secteurs en net essoufflement.

Le second est dans la ligne de mire de l'autorité monétaire depuis longtemps qui avait prévu l'épuisement de la demande refoulée et devancée.

La première l'inquiète davantage à la lumière de nouvelles recherches. «Les investissements des ménages dans le logement ont excédé leur épargne globale pendant plus de neuf années consécutives, a dit M. Carney. Cette situation ne peut durer.»

Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si le plus grand repli industriel en juillet a été dans les services de restauration et de bar qui reculent pour le quatrième mois d'affilée. «Une diminution aussi récurrente de la production de ce type d'entreprises n'a pas été observée durant la récession», relève Marie-Claude Guillotte, économiste chez Valeurs mobilières Banque Laurentienne.

Le marché du travail a recréé les emplois détruits par la récession et conserve même des perspectives encourageantes selon l'indice des offres d'emploi du Conference Board. Cela contraste avec les États-Unis où le taux de chômage naturel augmente rapidement.

Toutefois, nuance le gouverneur, «la mesure globale du facteur travail (la combinaison de l'emploi et des heures travaillées) n'a récupéré que les deux tiers de ce qu'elle avait perdu» au Canada.

Ailleurs, la situation est encore moins enviable. Les taux directeurs très bas vont le demeurer encore un certain temps et «des politiques monétaires non traditionnelles pourraient même être étendues dans certains grands pays».

Sans nommer les États-Unis, on aura compris que c'est le pays que le gouverneur visait, d'autant plus que la Réserve fédérale a ouvert la porte à cette voie, le 21 septembre. La révision de 1,6% à 1,7% du PIB américain au deuxième trimestre hier ne change rien à la donne.

Et d'enchaîner M. Carney: «Si la conjoncture au Canada et la discipline inhérente à la réalisation de la cible d'inflation exigent qu'une orientation différente de celle des États-Unis soit imprimée à la politique monétaire, il y a des limites à cette divergence.»

Il avait une première fois fait allusion à cette relation la semaine dernière au cours d'une entrevue télévisée à la chaîne CNBC.

Lorsque la Banque a porté son taux directeur de 0,75% à 1,0% le 8 septembre, elle avait souligné que les conditions financières demeuraient extrêmement accommodantes grâce au crédit abordable et disponible.

«Il semble désormais que la Banque croit que ceci soit contré par l'incapacité ou le manque de désir des consommateurs de tirer parti de ces conditions exceptionnellement stimulantes», estime Michael Gregory, économiste principal chez BMO Marchés des capitaux. Il y voit un argument de plus pour justifier une pause le 19 octobre.

Fait surprenant, ajoute-t-il, la Banque juge toujours les perspectives d'inflation conformes à ses prévisions, même si le taux de l'indice de référence est légèrement inférieur à sa prévision. Or, observe M. Gregory, le taux annualisé de l'indice pour la période de six mois terminée en août est d'à peine 0,3%, le plus faible depuis sa création dans les années 80.

Quand l'inflation de référence est si en deçà de la fourchette de confort de la Banque (1% à 3%), la conduite monétaire dicte l'assouplissement plutôt que le resserrement.

La prochaine date de fixation du taux directeur est le 19 octobre.