Le marché des arrangements funéraires préalables est en effervescence, depuis qu'un changement législatif a ouvert la porte à l'assurance funéraire. Pendant qu'une entreprise américaine tente une percée en catimini, les entreprises funéraires défendent fermement leurs positions et leur réputation.

La présidente d'Alfred Dallaire Memoria est partie en croisade. Jocelyne Dallaire-Légaré a sorti l'artillerie lourde pour défendre la chasse gardée des arrangements préalables.

L'ennemi est insidieux: quatre articles insérés dans le projet de loi 8 modifiant la Loi sur les valeurs mobilières, qui amendent le Code civil pour autoriser la distribution d'assurance funéraire. Ils inquiètent suffisamment Jocelyne Dallaire-Légaré pour qu'elle produise une vidéo et crée un site internet afin de les dénoncer. «Tout le régime est modifié sans qu'on le sache», constate-t-elle.

«Par hasard, l'an passé, j'ai découvert que la loi avait été modifiée, indique-t-elle. J'ai découvert par la suite que personne en avait entendu parler, que personne n'avait été consulté.»

Un retour insidieux

L'assurance funéraire était interdite depuis 1974, en réponse aux pressions excessives exercées sur une clientèle en situation de fragilité émotive.

En 1987, la Loi sur les arrangements préalables de services funéraires était venue permettre et encadrer les arrangements préalables, qui permettent d'acheter à l'avance, à prix fixe, des obsèques qui se dérouleront dans un avenir indéfini. «C'est une loi qui comporte sa part de règles, de contraintes, et d'exigences, mais qui nous apparaît tout à fait correcte», soutient Jocelyne Dallaire-Légaré.

Mais en 2003 et 2006, deux décrets gouvernementaux ont permis d'une part à une compagnie d'assurances - une seule! - de distribuer de l'assurance décès au Québec, et d'autre part de le faire par l'entremise des entreprises funéraires.

«On s'explique mal qu'une compagnie puisse faire l'objet d'un passe-droit comme ça, sur simple décret», commente Charles Tanguay, porte-parole de l'Union des consommateurs.

D'où provenait l'initiative? Elle ne faisait certainement pas suite aux pressions des entreprises funéraires ou des associations de consommateurs, en général satisfaites du fonctionnement de la Loi sur les arrangements préalables de services funéraires.

«Si des consommateurs nous avaient envoyé des signes, le marché se serait ajusté, assure Marc Poirier, responsable du dossier de l'assurance décès à la Corporation des thanatologues du Québec et vice-président de Magnus Poirier. Mais ce n'était pas demandé. Quelqu'un, quelque part, a figuré que la population en avait besoin.»

Puis, en juin 2009, le projet de loi 8 a réintroduit l'assurance funéraire.

«Il y a lieu de s'interroger sur la façon dont le ministère des Finances a procédé aux modifications législatives, sans consulter ni les maisons funéraires, ni l'OPC, ni les associations de consommateurs», affirme Frédéric de Merchant, analyste à l'Union des consommateurs, dans un document remis le 16 septembre dernier à l'Autorité des marchés financiers. «Cette façon «particulière» de légaliser la vente d'un produit jugé à ce point indésirable il y a quelques années que le Code civil avait été modifié pour l'interdire n'est pas susceptible de créer un climat de confiance favorable à son acceptation par les consommateurs.»

Ce n'est que rétrospectivement que le ministère des Finances a bloqué l'application des quatre articles de loi afin de demander une étude sur son impact financier à l'Autorité des marchés financiers.

«C'est un phénomène répandu partout en Amérique du Nord, justifie Catherine Poulin, attachée de presse du ministre des Finances. Seul le Québec l'interdisait. Les problèmes qui ont amené l'interdiction ne sont plus possibles dans le cadre réglementaire actuel en matière d'assurance.»

Reste à savoir si tout ce branle-bas est au bénéfice du consommateur.