Un peu d'espoir pour le prisonnier matricule 18330-424. Détenu depuis plus de deux ans après avoir été reconnu coupable de fraude et d'entrave à la justice, le baron déchu Conrad Black a peut-être déniché une échappatoire, gracieuseté de la Cour suprême des États-Unis.

Pour l'instant, l'ancien grand patron de Hollinger International n'est ni innocenté ni libéré. Mais, dans un jugement attendu, le plus haut tribunal américain a réduit la portée d'une notion de droit qui a mené aux condamnations de Conrad Black et à sa peine de six ans et demi de prison.

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La Cour d'appel de Chicago devra réévaluer les condamnations de Conrad Black. Son avocat nous a confirmé qu'il allait demander une libération sous caution le temps des procédures.

Obligations morales

À la fin de 2007, Conrad Black a été condamné à des peines concurrentes de trois ans de prison pour une fraude de cinq millions de dollars et six ans et demi pour entrave à la justice - une bande vidéo montrait lord Black et son chauffeur sortir des boîtes de documents de ses bureaux, malgré une interdiction juridique.

La notion de manquement aux «obligations morales d'un dirigeant envers son entreprise» (honest services) a été utilisée pour condamner Conrad Black, comme elle l'a d'ailleurs été dans beaucoup d'autres cas de crimes de cols blancs aux États-Unis.

Or, la Cour suprême restreint désormais aux cas de corruption et de pots-de-vin l'application de cette notion. Des infractions jamais invoquées dans le cas de M. Black, rappelle James Morton, avocat torontois qui a suivi le dossier.

Comme le jury a reçu des instructions erronées sur la notion d'obligations morales au moment de juger Conrad Black, la Cour suprême demande à la Cour d'appel de Chicago de déterminer si l'issue du procès aurait été différente en vertu de la nouvelle interprétation proposée.

L'avocat de Conrad Black, Miguel Estrada, est optimiste. Selon ce qu'il a affirmé à La Presse Affaires, il est «impossible» que le gouvernement américain arrive à prouver qu'aucun juré n'a basé son jugement sur cette notion d'obligations morales.

Le procureur américain responsable de la poursuite contre Conrad Black, Eric Sussman, ne s'inquiète pas de la décision de la Cour d'appel. Selon lui, la seule condamnation pour entrave à la justice assure que Conrad Black restera derrière les barreaux.

M. Estrada n'est pas de cet avis. Il soutient que les erreurs qui ont mené aux verdicts de culpabilité touchant la fraude ont eu un impact sur le verdict concernant l'entrave à la justice. Il n'y a pas d'entrave à la justice possible quand il n'y a aucun crime sous-jacent à cacher, a-t-il expliqué.

En vertu de sa peine actuelle, Conrad Black, aujourd'hui âgé de 65 ans, pourrait être libéré le 30 octobre 2013.

Le cas Enron

La Cour suprême des États-Unis a aussi donné raison à Jeffrey Skilling, ancien PDG d'Enron, dans un dossier semblable à celui de Conrad Black. Un tribunal inférieur devra aussi étudier de nouveau certains des 19 verdicts de culpabilité rendus contre Jeffrey Skilling.

La Cour a toutefois rejeté la thèse que le procès de l'homme d'affaires, condamné à 24 ans de prison, ait été inéquitable en raison du fait qu'il se soit tenu à Houston, siège d'Enron.

La décision de la Cour suprême pourrait être lourde d'impacts dans la lutte contre les crimes commis dans les secteurs économique et politique. La notion d'obligations morales, fréquemment utilisée depuis 1987, est «cruciale pour tenir responsables les criminels en col blanc dont les actes ont énormément contribué à la crise financière qui a fait du tort à tant d'Américains», a réagi le sénateur démocrate du Vermont, Patrick Leahy.