Le décollage de l'avion, un produit de Bombardier Aéronautique, est prévu dans quelques minutes. Le passager s'assoit dans le siège que lui indique l'agent de bord. En constatant que l'espace est limité pour qu'il puisse étirer ses jambes, il sort son téléphone intelligent, se rend sur son compte Twitter et lance l'observation à ses centaines d'abonnés.

Avant que le CRJ900 n'atterrisse, il y a de bonnes chances que son commentaire ait été lu par un employé du constructeur. Pas parce que Bombardier Aéronautique est un abonné du compte Twitter du passager, mais parce que l'entreprise répertorie aussi ce qui se dit sur elle. «Énormément d'informations s'échangent entre passagers», affirme Marc Duchesne, porte-parole de Bombardier Aéronautique.

Que ces commentaires soient positifs, négatifs, proviennent d'inconditionnels de Bombardier Aéronautique ou de la page Facebook de certains employés, l'entreprise veille. Si quelqu'un se plaint, elle a ainsi le moyen de régler un problème ou transmettre une information pertinente rapidement.

Bombardier Aéronautique a les deux pieds dans l'univers des médias sociaux et elle y trouve son compte à plusieurs niveaux. Dans une récente offre d'emploi (conseiller, gestion du web), un paragraphe entier est d'ailleurs consacré aux médias sociaux. «On veut faire partie de cette nouvelle tendance pour promouvoir nos activités ou nos postes à combler, dit Marc Duchesne. Pour nous, les Twitter, LinkedIn, YouTube sont des outils marketing autant qu'informatifs.»

Un exemple? L'automne dernier, Bombardier Aéronautique a mis en ligne une vidéo de la première pelletée de terre de l'usine CSeries de Mirabel. L'entreprise compte, par ailleurs, plus de 900 abonnés sur Twitter et y a envoyé 150 messages jusqu'à présent.

Les grandes entreprises n'échappent pas à la nouvelle vague internet. La Presse Affaires l'a constaté en appelant des Rio Tinto Alcan, Desjardins et Jean Coutu. En tapant également les noms de quelques entreprises sur Twitter et Facebook. «On a une application iPhone depuis le début de l'année (pour repérer les pharmacies), signale Hélène Bisson, vice-présidente, communications, du Groupe Jean Coutu. Pour aller chercher le marché surtout des jeunes adultes. On voulait être précurseur là-dedans. Pour un commerce de détail comme le nôtre, l'iPhone répond mieux à nos besoins.»

Le Mouvement Desjardins exploite deux blogues ciblés pour une clientèle jeune et pour ceux qui veulent des conseils financiers. La caisse Desjardins de Sainte-Foy a en plus sa page Facebook pour annoncer des événements et des concours. «On ne peut faire semblant que les médias sociaux n'existent pas, dit André Forgues, directeur principal, nouveaux médias, de Mouvement Desjardins. Ils prennent toutefois de l'importance moins vite ici à cause de la barrière de la langue. C'est peut-être un atout. On a le temps de voir ce que qui se fait aux États-Unis.»

Rio Tinto Alcan fait une utilisation similaire des médias sociaux à celle de Bombardier. «On y annonce les postes à combler et les communiqués de presse notamment», note Stefano Bertolli, porte-parole de Rio Tinto Alcan.

On ne peut tout contrôler

Et comme Bombardier, l'entreprise veille à son image. «C'est important de faire du tracking pour corriger les perceptions, estime Stefano Bertolli. On suit les groupes. Mais on n'intervient pas toutes les fois. C'est une façon d'avoir un contact avec des gens qui ont un intérêt pour notre entreprise. Et ça permet d'agir vite. Plus vite qu'avec d'autres canaux, comme les campagnes publicitaires.»

Mais comment s'assurer de tout repérer dans un environnement qui ne connaît pas de frontières? «C'est une question qu'on se pose aussi, répond Stefano Bertolli. C'est vaste. On ne peut pas tout suivre. Combien d'effort doit-on mettre là-dedans? Google Alert nous avise lorsqu'il y a quelque chose. Chacun fait un bout.»

«Les gens pensent qu'il faut tout avoir ce qui s'écrit et se dit sur leur entreprise, mais ça ne donne rien de tout avoir, explique Jean-François Dumas, président d'Influence Communication, spécialisée dans la surveillance des médias. Il faut savoir la bonne affaire. Chez Influence, on fait du média intelligence. On priorise les enjeux.»

Jean-François Dumas estime toutefois que la mention d'une entreprise dans les quotidiens et les médias sociaux, c'est deux poids, deux mesures. «Ça prend bien des tweets pour accoter un bon article de la presse, dit-il. Le média social va souvent être une source. C'est comme un énorme perron d'église, comme si on faisait de l'écoute dans tous les taxis de la ville pour connaître l'humeur des gens. Les médias sociaux sont très importants, mais il faut les prendre pour ce qu'ils sont. C'est souvent du grand n'importe quoi. Mais ils symbolisent le vieux précepte: à la gang, on sait tout.»dans