Le Québec a-t-il vraiment les moyens de soutenir son secteur biopharmaceutique? La question, brutale, s'est posée hier lors d'un forum stratégique visant à faire le point sur une industrie en perte de vitesse. Jadis un fleuron du Québec Inc, la biopharmaceutique n'est plus ce qu'elle était, ont dû constater hier les ténors de l'industrie. Et entre le manque de capitaux et le manque de succès commerciaux, il devient difficile de distinguer les causes des conséquences du déclin.

« Est-ce qu'on a les moyens, collectivement, les Québécois, de s'offrir ce secteur extrêmement exigeant en capital et en talent? », a lancé d'entrée de jeu Michel Leblanc, président et chef de la direction de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain.

« Dans la grappe des technologies de l'information, trois producteurs de jeux vidéo, dont Warner Bros, sont venus s'installer à Montréal. Combien de pharmas sont venues s'installer à Montréal récemment? Et si on regarde l'aéronautique et la promesse d'innovation et de création de richesse de la CSeries... combien de projets aussi emballants émergent du secteur biopharmaceutique au Québec? », a continué M. Leblanc.

« Depuis quelques années, on observe une perte de momentum. Il y a encore une croissance, mais elle est moins rapide qu'ailleurs », a aussi dit Daniel Denis, associé chez Secor.

Les chiffres sont implacables. De 2007 à 2009, les investissements de capital-risque dans le secteur sont passés de 256 à 88 millions. À l'heure actuelle, 70% des entreprises biopharmaceutiques québécoises n'ont pas assez d'argent pour tenir un an.

Mais c'est peut-être du côté des succès commerciaux que le bât blesse le plus. Hier, c'est encore l'exemple du 3TC, ce médicament créé par BioChem Pharma dans les années 1990, qui était brandi comme réussite. Avec 92 entreprises, le Québec ne compte que 7 produits actuellement testés en études cliniques de phase III, dernière étape avant la commercialisation.

L'avenir ne s'annonce pas plus facile. Les coûts de développement des médicaments augmentent alors que les autorités en approuvent de moins en moins pour la commercialisation. Et la concurrence est féroce : selon Secor, rien de moins que 83% des États américains ont placé la biopharmaceutique parmi les deux secteurs prioritaires à développer...

À ce compte, le jeu en vaut-il la chandelle? Oui, répond Daniel Denis, de Secor, qui calcule que chaque emploi du secteur génère 111 500$ de PIB, contre 77 000$ dans les autres secteurs. En termes absolus, la biotech génère aussi plus de R&D que l'aéronautique et les technologies de l'information.

Malgré ses déboires, l'industrie québécoise occupe encore le 4e rang en Amérique du Nord et peut toujours compter sur des forces. « Le Québec compte 50% des emplois canadiens de l'industrie. Et 13 des 15 plus grands groupes pharmaceutiques mondiaux sont chez-nous », a pointé M. Denis.

Mais il faudra la relancer. Et les solutions lancées hier – rapprochement entre les grandes pharmas et les petites biotechs, mesures fiscales pour attirer les investisseurs, rapprochement avec l'industrie ontarienne – ont déjà été évoquées à plusieurs reprises par les acteurs de l'industrie.