Une histoire de brevet qui a mal tourné: c'est de cette façon que des acteurs de l'industrie expliquent la chute de Conjuchem (T.CJB), ancienne coqueluche des investisseurs qui a annoncé mardi être au pied du mur.

La biotech a déclaré il y a deux jours examiner toutes les options qui s'offrent à elles, y compris la vente et la liquidation d'actifs. Conjuchem était pourtant l'une des coqueluches des investisseurs il y a quelques années à peine.

Commet en est-on arrivé là? L'entreprise préfère ne pas aborder la question trop en détail.

«Le conseil veut seulement être proactif pour maximiser la valeur de l'entreprise pour les actionnaires. Notre but a toujours été de trouver des partenaires, et (l'annonce de mardi) n'est qu'un pas de plus dans cette stratégie», s'est contenté de dire à La Presse Affaires Mark Perrin, président et chef de la direction, au sujet de la révision stratégique annoncée mardi.

Conjuchem avait fait les manchettes pour une histoire de délit d'initié en 2003, puis lorsqu'un patient est mort au cours d'une étude clinique sur l'un de ses médicaments en 2006. Si le délit d'initié a pu miner la confiance des investisseurs, c'est avant tout une histoire de brevet qui a coulé cette biotech prometteuse, selon des observateurs consultés par La Presse Affaires.

Retour au début des années 2000. Conjuchem a une idée révolutionnaire: prendre de l'albumine, une protéine qui a une longue durée de vie dans le sang, et y accrocher des molécules prometteuses pour prolonger leur action.

À l'époque, on parle de prendre une substance contre le diabète qui n'agit que quelques heures (donc inutilisable parce qu'aucun patient n'accepterait de s'injecter un médicament 10 fois par jour) et la transformer en médicament qui agit pendant une semaine.

«C'était l'idée de base, et c'était très intéressant. Les gens étaient excités», raconte une source qui préfère garder l'anonymat.

Le hic: «Le brevet qui protégeait cette molécule avait une faiblesse», raconte cette même source. Une autre entreprise, Amylin Pharmaceuticals, possède un brevet qui empêche Conjuchem d'avancer. L'histoire finira par se régler en décembre dernier... à l'avantage de Conjuchem.

«Mais le mal était fait, explique-t-on. L'intérêt des investisseurs et des partenaires s'était éteint. Et la technologie avait évolué pendant ce temps. Conjuchem s'était fait doubler.»

Selon une autre source de l'industrie québécoise, le délit d'initié commis par l'ancien administrateur Claude Vézeau en 2003 aurait toutefois fait mal. M. Vézeau avait plaidé coupable, écopant d'une simple amende de 5000$.

«Il y a eu un certain ressac des actionnaires», dit cet observateur.

Le titre de Conjuchem a d'ailleurs encore dégringolé, hier, perdant 1 cent pour atteindre 12,5 cents; l'action avait flirté avec les 15$ en 2004.