Le groupe pharmaceutique suisse Novartis (NVS) s'est construit une division ophtalmologique sur mesure, en prenant lundi pour 28,1 milliards de dollars le contrôle d'Alcon (ACL), une opération qui lui permet d'occuper une position dominante dans le secteur.

L'acquisition était attendue par les marchés, mais pas à si brève échéance. A peine la nouvelle année entamée, le laboratoire bâlois a annoncé qu'il rachetait les 52% que détenait encore son compatriote Nestlé dans Alcon.

A la Bourse suisse, les investisseurs ont réagi de façon mitigée, Nestlé progressant de 1,49% à 50,95 francs suisses, tandis que Novartis cédait 2,65% à 55 francs suisses, dans un marché en hausse de 0,87% à 14H49 GMT, alors que titre Alcon perdait 2,56% à 160,15 dollars à Wall Street.

Avec les 25% que le groupe pharmaceutique avait déjà acquis en avril 2008, Novartis détient désormais 77% d'Alcon. Etape supplémentaire, la société de Daniel Vasella va se lancer dans une fusion des 23% restants d'Alcon pour s'approprier la totalité du numéro un mondial des produits ophtalmologiques, dont le siège est à Hünenberg (centre de la Suisse).

Novartis met non seulement la main sur un fleuron du secteur, fort d'un chiffre d'affaires d'environ 6,3 milliards de dollars en 2008 et de quelque 15 000 salariés.

Mais avec sa filiale Ciba, qui a réalisé l'année dernière des ventes de 1,7 milliard de dollars, et ses autres médicaments ophtalmologiques (500 millions de dollars de chiffre d'affaires), le groupe helvétique a créé une nouvelle division ophtalmologique qui sera un poids lourd du secteur.

«L'adjonction d'Alcon contribuera à renforcer (...) notre portefeuille de soins de santé et notre position dans le domaine de l'ophtalmologie», a estimé le PDG de Novartis, Daniel Vasella.

«La croissance de ce marché est très soutenue et le niveau de marge comparable à celui de l'industrie pharmaceutique», soit plus de 30%, a souligné Arsène Guekam, analyste à CM-CIC, pour qui le rachat d'Alcon «est en parfaite adéquation avec la stratégie» de Novartis.

Novartis, qui finance le rachat avec sa trésorerie et des emprunts, prévoit de clôturer la transaction au premier semestre et table des synergies de 200 millions de dollars par an avant impôts sur les trois prochaines années, qui s'élèveront à 300 millions en cas de succès de la fusion.

Alcon pourrait cependant résister, car son comité indépendant, chargé de veiller au rachat du groupe, estime que le prix implicite de 153 dollars par titre Alcon proposé par Novartis constitue un rabais de 15% sur les 180 dollars par action que le groupe a payé à Nestlé.

L'analyste Andrew Weiss de Vontobel s'attend ainsi à ce que Novartis améliore son offre pour mener à bien la fusion.

L'autre grand bénéficiaire de l'opération est le géant de l'alimentaire Nestlé. Le désinvestissement dans Alcon, qu'il avait acquis en 1977 pour 280 millions de dollars, lui a rapporté au total 40 milliards.

Ce pactole lui permettra de lancer cette année un programme supplémentaire de rachat d'actions de 10 milliards de francs suisses sur deux ans.

«Le désinvestissement de notre participation dans Alcon permettra à notre direction de se concentrer sur l'accélération du développement» du géant de Vevey, a souligné le directeur général de Nestlé, Paul Bulcke.

Le groupe sera «en position très confortable pour réaliser d'éventuelles acquisitions», a précisé l'analyste Jean-Marie Lhomé d'Aurel, prévenant cependant que ces rachats seront «de taille modeste».