La décennie qui s'achève aura été marquée par la formation et l'explosion spectaculaires des bulles financières, de la folie «point-com» de l'Internet à celle des prêt hypothécaires à risque qui ont plongé le monde dans la crise. Et la décennie qui s'annonce prend déjà la même voie.

Peu importe apparemment pour les fonds d'investissements, courtiers et autres spéculateurs que l'indice Standard&Poor's 500 des principales sociétés cotées à Wall Street ait reculé de 23 pour cent depuis l'année 2000, ou que la valeur globale des actions ait plongé d'environ 2500 milliards $ US en dix ans de création et destruction de bulles.

Ces bulles résultent d'un savant mélange d'orgueil, de démesure, d'avidité et d'ignorance. Aveuglés par de nouveaux produits et montages financiers promettant abondance d'argent facile, les investisseurs ont abandonné toute prudence.

Ils ont misé sur des sociétés internet sans s'inquiéter de l'absence de plan commercial, ou spéculé sur l'immobilier sans songer aux conséquences des saisies. L'effondrement de l'immobilier aux États-Unis en 2007 a ébranlé tout le château de cartes, plongeant le monde dans une crise économique et financière dont il commence à peine à émerger.

Et le manège tourne toujours: les opérateurs profitent aujourd'hui des taux d'intérêts très bas de la Réserve fédérale américaine, la Fed, destinés à relancer l'économie, pour gagner de l'argent avec tous les produits, des titres aux matières premières comme l'or, valeur refuge contre l'inflation. La prochaine bulle est-elle déjà en train de se former?

Certains analystes notent que l'indice S&P 500, après avoir sombré à son plus bas depuis 12 ans, a bondi de 68,9 pour cent cette année, réalisant sa meilleure performance depuis les années 1930. L'or aussi est suspect, avec une progression de 24 pour cent, à plus de 1098 $ US l'once, et l'on peut s'inquiéter de l'engouement pour les marchés émergents comme la Chine, où la Bourse de Shanghaï a gagné 76,4 pour cent en un an.

Mais c'est ainsi que fonctionnent les marchés, soulignent les analystes: l'ambition abolit le jugement et la plupart des investisseurs qui ont survécu aux catastrophes oublient vite les leçons des excès passés. Et les 3200 milliards $ US des fonds communs de placement qui attendent d'être investis sur les marchés, selon le cabinet iMoneyNet, devraient alimenter encore bien des bulles.

«La nature humaine ne change pas. Les mécanismes du marché changent, mais la peur et la cupidité humaine resteront comme elles sont pour des décennies et des siècles», prédit David Darst, chef de la stratégie d'investissement chez Morgan Stanley Smith Barney à New York.

Pour éviter d'exploser avec la bulle, les analystes financiers recommandent de diversifier ses investissements, les surveiller, et se méfier des valeurs hyper-performantes, qui perdront tout autant si elles s'écroulent.

Le président de la Fed, Ben Bernanke, soulignait lui-même le mois dernier que les taux d'intérêt bas risquaient de nourrir de nouvelles bulles financières. Il a cependant affirmé ne pas en voir de signe précurseur pour le moment, tout en reconnaissant qu'il était «extraordinairement difficile» de les repérer à un stade précoce.

Simon Laing, directeur chez Newton Investment Management à Londres, constate que les investisseurs utilisent effectivement l'argent emprunté à bas taux aux États-Unis et en Europe pour spéculer sur les autres marchés dans le monde. «On a vécu des décennies de bulles mais je crois qu'on suit toujours dans le même scénario», conclut-il.

Quincy Krosby, responsable de la stratégie des marchés chez Prudential Financial, ne se fait guère d'illusion non plus. Les instances de régulation ont pris des mesures «révolutionnaires» pour limiter la prise de risque, dit-il, mais «ils jouent dans un monde où ce sont les opérateurs professionnels qui l'emportent».