Le dollar américain s'est affaibli contre la plupart des autres monnaies hier, dès l'ouverture de la première séance des marchés qui faisait suite au sommet des ministres des Finances, samedi en Écosse.

Le huard est repassé facilement au-dessus de la barre des 94 cents US. Il a gagné 1,57 cent à 94,57 cents US.

Samedi, les ministres des Finances et les banquiers centraux des pays membres du G20 ont réitéré leur engagement à soutenir l'économie mondiale tant que la reprise ne sera pas assurée. Elle reste fragile, dépendante des stimuli des gouvernements et toujours destructrice d'emplois.

Cela a rassuré les investisseurs qui se sont rués sur les marchés boursiers et des produits de base. «Les investisseurs cherchent des placements un peu plus risqués qui offrent de meilleurs rendements», résume Shaun Osborne, stratège en chef, marchés des devises chez TD Valeurs mobilières. Le dollar canadien représente toujours une bonne valeur, surtout quand on anticipe une hausse des prix des produits de base.»

Le communiqué final du G20 ne manifestait en outre aucune inquiétude devant l'affaiblissement du billet vert contre la plupart des grandes devises à taux flottant, ce qui a contribué à l'affaiblir davantage hier. Depuis trois mois, le dollar américain a perdu du galon contre toutes les grandes devises à l'exception du peso mexicain.

«Un autre G20 où on n'a rien dit, déplore François Barrière, vice-président Développement des affaires, marchés internationaux à la Banque Laurentienne. Qui ne dit mot consent.»

À son avis, cette situation est malsaine, car aucun des pays frappés par la récente récession ne souhaite voir sa monnaie trop s'apprécier contre le billet vert.

Voilà qui explique pourquoi les banques centrales ont massivement acheté hier l'émission record de 40 milliards de bons du Trésor américain venant à échéance dans trois ans. Ce faisant, elles voulaient soutenir le dollar américain contre leur propre devise. Deux autres émissions record pour des échéances de 10 et 30 ans sont prévues aujourd'hui et demain.

Le déséquilibre fondamental actuel réside entre autres dans le fait que certains grands créanciers des États-Unis refusent de réévaluer leur monnaie à parité fixe par crainte de ralentir la croissance dans leur propre pays. Il s'agit essentiellement de la Chine et des monarchies pétrolières. Depuis 2008, la Chine maintient un taux de 6,83 yuan contre un dollar américain, malgré les pressions du Japon et de la zone euro.

Dette colossale

La dette colossale des États-Unis complique aussi la donne. «On ne peut pas imprimer de l'argent impunément, fait remarquer Frédéric Mayrand, premier vice-président, taux d'intérêt et changes chez BNP Paribas Canada. La seule manière pour les États-Unis de diminuer leur dette, c'est de laisser aller leur devise.»

Ce bras de fer dangereux rend nerveux les joueurs sur les marchés monétaires. Ils veulent à la fois diminuer leur risque face au billet vert et freiner sa dépréciation.

Cela favorise le huard à court terme. «On croit fermement qu'on se dirige vers la parité au plus tard au printemps, réitère Guy Phaneuf, directeur des instruments de dette chez BMO Marchés des capitaux. Le huard est une monnaie de ressources et Toronto est une des trois plus grandes Bourses de ressources au monde. Beaucoup d'investisseurs veulent être en Amérique du Nord, mais pas forcément aux États-Unis. Cela crée de la demande pour le dollar canadien.»

La parité avec le dollar américain ne serait que temporaire cependant. Selon M. Barrière, tant que les pays à devises fixes n'accepteront pas leur part de responsabilité dans l'éclatement de la crise financière, le dollar américain oscillera. Il s'approcherait toutefois d'un creux qui lui permettra de rebondir au printemps ou à l'été, dès que la reprise se confirmera.

Encadrer le système financier

D'ici là, les membres du G20 auront beaucoup de pain sur la planche. Après leur rencontre du mois prochain sur les changements climatiques à Copenhague, ils devront s'entendre sur des mesures d'encadrement du système financier.

Samedi, le premier ministre britannique Gordon Brown, qui était l'hôte du sommet, a relancé l'idée d'une taxe sur les transactions financières. Il s'inspirait de la proposition émise durant les années 70 par l'économiste James Tobin. Si l'Allemagne et la France se montrent favorables à l'idée, les États-Unis et le Canada l'ont froidement accueillie.

Le ministre James Flaherty l'a commentée en ces termes, selon la BBC. «Une taxe sur les transactions n'est pas très attrayante pour moi en tant que ministre des Finances du Canada. Je fais partie d'un gouvernement qui n'augmente pas les taxes.»

Au sommet de Pittsburgh en septembre, le G20 avait mandaté le Fonds monétaire international de trouver un moyen de faire porter aux banques le poids de leur sauvetage par l'ensemble des contribuables. Outre la taxe Tobin, les options seraient une prime d'assurances, la création d'un fonds ou le relèvement des exigences de capitalisation. Le FMI doit présenter ses recommandations au prochain sommet du G20, en juin au Canada.