En un an, l'économie mondiale aura fait un tour complet sur elle-même.

Le 15 septembre 2008, la faillite de Lehman Brothers précipitait l'Occident dans la pire crise financière des 70 dernières années, au point où les Cassandre n'étaient pas rares à annoncer que l'économie mondialisée allait connaître une autre Grande Dépression. Aujourd'hui, force est de constater que la reprise qui s'installe depuis plusieurs semaines déjà surprend par sa vigueur et paraît susceptible de s'étendre longtemps.

L'indicateur économique avancé de l'OCDE a bondi de 1,4 % en juillet. Il s'agit du gain mensuel le plus élevé en 34 ans. «Le taux de changement des six derniers mois pointe en territoire positif pour la première fois depuis 2007, note Stéfane Marion, économiste en chef à la Financière Banque Nationale. Une croissance économique mondiale au-dessus de la tendance d'ici le début de 2010 devient une très forte possibilité.»

«Nous sommes au début d'un nouveau cycle d'expansion mondiale qui durera plusieurs années», affirme pour sa part Maurice N. Marchon, professeur titulaire à l'Institut d'économie appliquée de HEC Montréal dans la 21e présentation de ses Perspectives économiques nord-américaines dans un contexte international. Le scénario de reprise économique mondiale que nous anticipons devrait toutefois être inférieur à la norme puisque plusieurs économies affrontent d'importants contre-courants.»

M. Marchon prévoit donc une croissance de 2,3 % des économies canadienne et américaine l'an prochain, soit moins que ce à quoi on est en droit de s'attendre dans la phase initiale d'une reprise qui consiste à rattraper le terrain perdu avant d'entrer à nouveau en expansion.

La Banque optimiste

Cette prudence n'est cependant pas partagée par la Banque du Canada, qui annonçait jeudi revoir à la hausse son scénario économique. «La progression du PIB pourrait être plus vigoureuse pendant le deuxième semestre de 2009 que la Banque ne l'entrevoyait en juillet», expliquait-elle dans le communiqué annonçant la reconduction de son taux directeur à son minimum de 0,25 %. La Banque estimait alors à 1,3 % et 3,0 % la croissance économique annualisée aux troisième et quatrième trimestres.

Depuis, les signes de reprise se multiplient. «Beaucoup d'indices économiques épousent la forme d'un V : citons les conditions financières mondiales, les indices des intentions d'achat des manufacturiers et le marché immobilier canadien, renchérit Douglas Porter, économiste en chef adjoint chez BMO Marchés des capitaux. L'économie mondiale s'est redressée plus tôt et plus vite que la plupart n'auraient osé prédire au plus fort de la tourmente plus tôt cette année.»

Plusieurs craignent toutefois le feu de paille, en particulier ceux qui attribuent encore au consommateur américain le rôle de locomotive de l'économie mondiale. Celui-ci doit cette fois-ci soigner son bilan financier très malmené à la fois par l'effondrement des marchés immobilier et boursier, sans compter que la récession a fait perdre son emploi à 6,9 millions d'Américains jusqu'ici.

«Les actifs des ménages américains ont subi des pertes de valeurs de 4327 milliards pour les résidences et de 8652 milliards pour les actifs financiers entre le premier trimestre de 2007 et le premier trimestre de 2009. Cela incite les ménages américains à augmenter leur taux d'épargne», écrit M. Marchon.

Ces pertes équivalent grosso modo à 10 fois la valeur des biens et services produits au Canada en un an (PIB annuel). Depuis, la moitié des pertes boursières ont cependant été effacées chez les investisseurs qui ont eu la sagesse de ne pas vendre au creux du marché baissier.

Le rôle du BRIC

Ce qui distingue la présente reprise des autres, c'est aussi le rôle déterminant que joueront le Brésil, la Russie, l'Inde et surtout la Chine, les quatre nationaux du bloc BRIC des puissances économiques émergentes.

«La contribution des BRIC à l'augmentation du PIB mondial serait de 46,4 % estimé à la parité du pouvoir d'achat, même s'ils ne représentaient que 22,2 % du PIB mondial en 2008», note M. Marchon.

Les exportateurs qui tireront partie de cette croissance profiteront de cette vigueur. Le Canada pourrait être du nombre, lui qui regorge de ressources naturelles. En outre, son expertise en matière d'infrastructures pourra lui permettre de vendre ses services, ce qui jusqu'ici reste un point faible de notre commerce extérieur.

Alors, 2,3 % de croissance, est-ce un optimisme trop prudent?